Il y a 50 ans, à La Chaux-de-Fonds, naissait officiellement le Théâtre-cinéma ABC. Durant ces décennies, l’institution a pris de l’envergure, devenant un centre culturel particulièrement dynamique, ouvert à une multitude de créations et de représentations. Depuis 1999, le Centre de culture ABC bénéficie d’un lieu idéal doté d’un petit théâtre modulable, une salle de cinéma, un restaurant, et même une extension polyvalente dans une ancienne église, le Temple allemand.

Les festivités de son cinquantenaire, étendues sur toute l’année 2017, mettent en avant une foison de propositions originales et souvent inédites. Comme ce fut le cas samedi 4 novembre. La direction de l’ABC souhaitait retracer l’histoire de la structure dans le temps mais aussi dans les lieux qui furent les siens avant d’amarrer définitivement à la rue du Coq 11.

Pour cela, rien de mieux qu’une balade à «1000 m d’auteur(e)s». C’est le nom d’une association fondée en 2012 qui propose des promenades littéraires en ville de La Chaux-de-Fonds, avec un choix d’auteurs locaux ou ayant écrit sur la ville. Les textes sont lus par des comédien-ne-s professionnel-le-s dans les sites ou bâtiments concernés ou dans d’autres lieux évocateurs, avec une touche d’explications patrimoniales à la clé.

Ces promenades originales remportent un grand succès. Celle dédiée à l’histoire de l’ABC a regroupé pas moins de 200 personnes, ravies de suivre un tel parcours. Pour «1000 m d’auteur(e) s», l’entreprise était particulière. Une partie des textes choisis – certains administratifs, d’autres puisés dans le journal local L’Impartial – étaient plus informatifs que littéraires; quoique la prose chaleureuse d’un Charles Joris, alors directeur du Théâtre populaire romand, ou celle d’un conseiller d’État chipotant les subventions entre Haut et Bas (déjà), ou encore les micro-détails d’une convention de location de salle valaient bien quelques déclamations emphatiques.
Mais pour l’association organisatrice, l’essentiel était de brûler les planches – ou plutôt la rue – avec le théâtre et la musique. En 50 ans, la programmation de l’ABC a été richissime et éclectique, assurée majoritairement par nombre d’acteurs, musiciens et artistes locaux. Un appel leur a été lancé, demandant à chacune et chacun de reprendre quelques phrases, une scène, voire un élément musical, déclamés ou joués sur les scènes de l’ABC. Une trentaine d’artistes ont répondu favorablement et avec enthousiasme.

La promenade s’est ainsi muée en une suite imagée et sonore de perles magnifiques à dénicher en des lieux insolites. Après quelques extraits de Huis clos, c’était très drôle de découvrir les trois membres fondateurs d’ABC, en 1967, juchés sur le toit d’une salle de spectacle anciennement utilisée, avant d’être surpris par une Betty plus vraie que nature tout droit sortie d’une pièce de Peter Handke, puis de compatir aux souffrances de l’amant esseulé appelant désespérément sa Brigitte (Fenêtres sur rues) et même de s’émerveiller du français de Molière et de sa Dorimène, plaidant sa cause de future épousée sur le toit d’un garage. On pourrait encore citer la sirène ailée (Mais si…), le comédien plongé dans un trou (de mémoire), les musiciennes Belle Époque, le jeune chanteur contemporain, le couple apprenant le tango, et tant d’autres… Les rires du public se sont teintés d’émotion en retrouvant l’ancienne salle de cinéma-théâtre, rue de la Serre 17.

Ce bal éblouissant de talents et de souvenirs a montré concrètement la richesse et la qualité des prestations de l’ABC. Et le plaisir communicatif a reflété l’ambiance chaleureuse du Centre de culture et le bonheur des nombreux artistes de se retrouver pour rendre hommage tant aux anciens qu’à l’équipe actuelle, qui tient la barre avec un appétit de découvreur.