Genève

Comme une odeur de pétrole

Négoce

Des soupçons de corruption pesaient depuis 2012 sur le négociant genevois en pétrole Gunvor. Mardi, le groupe a été inculpé par le Ministère public de la Confédération tandis qu’un rapport de l’ONG Public Eye retrace l’historique des contrats douteux passés entre Gunvor et le Congo-Brazzaville. Bonne nouvelle: les enquêtes de la justice et des observateurs de ce secteur aux rouages opaques ont un effet!

La mauvaise, c’est qu’il faudra bien davantage que ce – nouveau – cas mêlant pots-de-vin, pétrole ou autre ressource précieuse, corruption et commodités helvétiques, pour que nos autorités régulent enfin le secteur du négoce. Pas question de l’effrayer par des législations strictes, ni pour la Confédération, ni pour les cantons.

Le Département genevois de la sécurité et de l’économie (DSE) préfère «baser ses rapports sur la confiance». Une stratégie qui a échoué pour Gunvor. Ou pour Addax Petroleum, qui vient de payer 31 millions pour mettre fin aux poursuites du Ministère public genevois dans le cadre de soupçons de corruption au Nigeria. En 2014, Addax versait 400 millions de dollars au Gabon pour solder ses comptes.

Au problème posé par les affaires ponctuelles de corruption, ou par la «malédiction des matières premières» dans les pays extracteurs, les activités liées au négoce ajoutent une ennuyeuse imprévisibilité. Basées sur les bords du Léman aujourd’hui, qu’en sera-t-il demain? Après avoir payé son amende, Addax Petroleum annonçait son départ de Genève, laissant les employés sur le carreau et le canton avec un contribuable de moins, lui qui a taillé des forfaits fiscaux sur mesure pour le monde du trading. Est-il raisonnable de bâtir une économie entière sur un secteur aussi volatile?

Reste la question de l’argent qui arrose la culture, l’éducation et le sport. Car Gunvor n’est pas une obscure société de négoce: elle sponsorise le Genève Servette Hockey Club, s’affichant sur l’équipement des joueurs. Son fondateur, Guennadi Timtchenko, est à l’origine de la Fondation Neva. Omniprésente à Genève, celle-ci finance des programmes avec le Département de l’instruction publique (pour apprendre les échecs, pour acheter des instruments de musique…). Elle collabore aussi avec l’EPFL. Les jeunes et les institutions publiques servent malheureusement à redorer le blason d’un secteur à hauts risques, car ces cadeaux ne sont jamais gratuits. Et, de nos jours, une réputation se paie cher.

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