Au Liban, le système scolaire est en détresse
Depuis le début de la guerre en Syrie, le nombre d’enfants qui devraient être scolarisés a doublé au Liban. Pourtant, la moitié d’entre eux ne fréquente pas l’école et, sur dix enfants syriens scolarisés, sept ne persévèrent pas. Malgré une aide internationale conséquente, l’Etat libanais doit faire face à un défi herculéen.
La plupart des réfugiés syriens n’ont pas d’emploi et ont épuisé leurs ressources personnelles. Mais la société libanaise qui les accueille est, elle aussi, en passe de s’appauvrir. Les premières victimes de cet état de fait sont les enfants. Un grand nombre de familles ne peuvent plus assurer la scolarisation de leurs enfants, car ces derniers doivent travailler pour subvenir aux besoins familiaux. Quant à ceux qui vont à l’école, leurs apprentissages sont ralentis par les conditions économiques et sociales extrêmement difficiles dans lesquelles ils vivent et par les traumatismes déjà vécus, qui engendrent des difficultés d’apprentissage et un taux d’abandon scolaire élevé.
Le Ministère libanais de l’éducation vient d’éditer un plan quinquennal (RACE II – Reaching All Children with Education) qui se fixe comme but de scolariser les 450 000 enfants réfugiés d’ici à 2012. Aujourd’hui, ils sont moitié moins nombreux. C’est un défi énorme pour un système scolaire déjà peu performant avant le début de la guerre, et qui risque par-là de perdre encore en qualité. La pression majeure vient du corps enseignant. Les ressources limitées ont engendré des mesures d’enseignement par tranches horaires: la plupart des enfants libanais vont aujourd’hui à l’école le matin, alors que les enfants syriens y vont l’après-midi. Dans certaines classes, les effectifs ont simplement doublé. Le corps enseignant, souvent mal payé et insuffisamment qualifié, voit ainsi son temps de travail doubler, dans des conditions difficiles et sans aide extérieure.
Alors que beaucoup d’enfants ont de grandes difficultés d’apprentissage et que le niveau est très hétérogène à cause des années d’école manquées pour beaucoup d’entre eux, l’enseignement frontal est monnaie courante au Liban. Mais la plupart des enfants syriens ne comprennent même pas la langue de l’enseignant. En Syrie, l’enseignement se fait exclusivement en arabe, alors qu’au Liban, les matières mathématiques et scientifiques se font traditionnellement en anglais ou en français. Les enseignants ne sont pas formés pour pouvoir accompagner l’apprentissage et les nécessités des enfants individuellement. Ces difficultés de plus en plus criantes contribuent à péjorer la qualité de l’enseignement pour tous les enfants indifféremment. Elles engendrent aussi des tensions, de la frustration et des mouvements de rejet.
Caritas Suisse s’engage sur trois plans au Liban. Premièrement, dans des conditions scientifiques et en coordination avec le Ministère de l’éducation, nous développons un module de formation du corps enseignant pour qu’il soit qualifié à donner des cours de soutien et de rattrapage. Deuxièmement, des coaches du ministère aident les directions des écoles à mettre en place des améliorations systématiques et fondées de l’enseignement de rattrapage. Cela permet au personnel enseignant ainsi qu’aux élèves d’évoluer dans un environnement de travail et d’apprentissage adéquat. Troisièmement, il s’agit de renforcer le système éducatif à long terme au-delà de la crise syrienne. Un concept de formation et de formation continue et de coaching pour les enseignantes et enseignants est mis sur pied et développé avec un accompagnement académique, pour permettre d’améliorer à long terme les chances d’éducation des enfants.
Cette approche va bien au-delà de l’aide d’urgence, mais elle connaît des limites au vu de la complexité des problèmes actuels. Les barrières à l’éducation, comme la pauvreté ou le travail des enfants, exigent des approches globales qui ne peuvent fonctionner que si les différents acteurs s’engagent à long terme et collaborent dans un partenariat stratégique. La situation des réfugiés dans la région, mais aussi en Europe, montre que cette manière de faire est une nécessité, et pas seulement pour le Liban, si on veut assurer un futur à une génération entière d’enfants.
* Collaboratrice de programme crise syrienne, Caritas Suisse.