Les squats, c’était avant
Juillet 2007 symbolise la fin de l’ère des squats à Genève. Il y a dix ans, en effet, la police – sur ordre du procureur général, Daniel Zappelli, et du conseiller d’Etat Mark Muller – évacuait manu militari les emblématiques Rhino et La Tour. Deux mois plus tard, les habitants et artistes de l’Arquebuse quittaient l’immeuble du n°13 de la rue du même nom.
Durant les trois décennies précédentes, les squats ont fait partie intégrante de la vie socioculturelle genevoise. S’ils ont d’abord permis de dénoncer la spéculation immobilière galopante et de loger des milliers de personnes en proposant un mode d’habitat participatif et communautaire, ils ont aussi servi de laboratoires créatifs et d’ateliers de formation politique et citoyenne pour deux générations d’habitants du bout du lac. Offrant espaces, scènes et visibilité aux artistes, les squats ont également permis le développement foisonnant de la culture alternative et festive de la cité de Calvin.
Longtemps soutenus par la gauche, les squats et leurs partisans ont fini par plier en 2007 face aux coups de boutoir de la droite et des milieux immobiliers qui ont usé et abusé de l’excuse de la crise du logement pour mettre brutalement fin à l’expérience.
Dix ans après, le constat est amer. Côté culturel, des lieux de création, de spectacles et festifs ont su renaître de leurs cendres ou ont été créés depuis. De nouveaux collectifs se sont aussi formés pour servir d’interface avec les autorités afin de pouvoir bénéficier d’espaces. Il n’en reste pas moins que la fin des squats et la disparition d’Artamis a profondément affecté l’offre culturelle alternative à prix décents.
La situation est encore pire pour le volet du logement. Chercher un appartement à loyer modéré relève en effet toujours du parcours du combattant. Et si quelques baux associatifs perdurent et que le nouvel essor des coopératives d’habitation peut offrir à terme certaines perspectives aux familles de la classe moyenne, la réalité reste cruelle pour les plus précaires, comme le rappelaient il y a quelque semaine seulement les manifestants réunis à l’appel du collectif Xenope.
Or les milieux immobiliers, qui se sont si longtemps égosillés à pourfendre «l’illégalité» des squats, tirent d’immenses profits de la situation. En appliquant la plupart du temps des loyers bien supérieurs à ceux autorisés par la loi. Que peu osent contester.
Une réalité scandaleuse qui devrait pousser les autorités genevoises à remettre sur la table une vieille revendication des squatters: la réaffectation en logements, d’une partie du moins, des 200 000 à 250 000 m2 de locaux commerciaux vides.
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