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Transparence inachevée aux Chambres fédérales

Il faut améliorer l’information du public sur les liens entre élus et groupes d’intérêts, selon François Meylan, auteur d’une pétition demandant davantage de transparence de la part des élus aux Chambres fédérales.
Suisse

Au lendemain du refus, en votation référendaire, de la loi sur la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III), force est de constater que la campagne aura été d’une intensité incroyable. Non seulement en raison des montants colossaux engagés par le camp du «oui» que par la virulence des débats. Une fois de plus, on a joué sur la peur de perdre son emploi.

Les ingrédients de cette campagne finalement mise en échec ne sont pas sans rappeler ceux employés pour combattre l’initiative populaire contre les rémunérations abusives, communément appelée initiative Minder. Nous avions déjà affaire aux acteurs d’une doctrine néolibérale, d’un côté. A une mobilisation de la société civile et des politiques préoccupés par la cohésion sociale de l’autre.

A l’époque, j’avais organisé la mobilisation médiatique, en Suisse romande, en faveur de l’initiative Minder. Ce qui m’a valu d’être défavorablement surpris par mon ancienne formation politique, le Parti démocrate-chrétien (PDC). J’ai découvert que, pourtant connu comme parti de la famille et de la classe moyenne, il avait choisi avec force le camp néolibéral. En regroupant les informations obtenues, en tant que secrétaire politique pour la section vaudoise, j’ai alors appris que le PDC, comme d’autres formations bourgeoises, avait reçu de l’argent des multinationales visées par l’initiative Minder.

A l’été 2016, usant de mon droit personnel, j’ai déposé une pétition, munie de 134 signatures, demandant davantage de transparence de la part de nos élus aux Chambres fédérales. Répertoriée objet n° 16.2013, elle suit la procédure parlementaire d’usage. Le secrétariat des commissions des affaires juridiques a pris soin de me prévenir. Cela prendra passablement de temps. La demande est aussi concrète que précise: lors des campagnes en vue de votations fédérales, les élus aux Chambres fédérales devraient communiquer l’identité de leurs accrédités, lors de toutes prises de position publiques.

Il faut savoir que chaque parlementaire a le droit d’accréditer une à deux personnes de son choix, pour toute la durée de son mandat de quatre ans. Ces gens, souvent des lobbyistes, ont accès à toutes les parties non publiques du Palais fédéral – hormis bien sûr les salles des Conseils.

Les élus de droite choisissent volontiers les représentants de grands groupes d’influence ou de cabinets de conseils – servant notamment de paravent à des industries aux odeurs de nicotine ou encore de poudre. A gauche, les personnes proches des ONG tendent à dominer. Mais pas seulement: on voit aussi des parlementaires de toute obédience faire bénéficier du très utile statut d’accrédité leur(s) conseillers personnel(s) bien sûr, voire des «invités», amis ou parfois membres de leur famille.

On observe, notamment, que la conseillère nationale Céline Amaudruz (UDC/GE) a accrédité le très actif lobbyiste Patrick Eperon, secrétaire de la Fédération patronale vaudoise chargé de la coordination des campagnes politiques, ainsi que Manuel Trunz, cadre de l’UBS SA. Autant dire que, sans le savoir, les électeurs de la Genevoise ont fait rentrer la plus grande banque suisse sous la Coupole, où elle bénéficie par ailleurs de l’accréditation par un élu alémanique, et non des moindres puisqu’il s’agit de Martin Landolt (BDP/GL), président national de la formation issue de l’UDC. Autre multinationale à ne pas être en reste, Swisscom est l’une des accréditées du parlementaire Bernhard Guhl (PBD/AG). Pour sa part, l’ancien journaliste Fathi Derder (PLR/VD) a accrédité Cristina Gaggini, la directrice romande de l’imposante faîtière economiesuisse et celle qui l’avait précédée dans cette fonction, l’influente Chantal Balet Emery, désormais représentante du milieu des avocats et notaires.

Comme on le sait trop peu, les listes des accrédités auprès des membres du Conseil national et du Conseil des Etats, remises à jour une fois l’an, sont consultables sur la Toile. Tout comme le Registre des intérêts tant pour le Conseil national que pour le Conseil des Etats, que tout parlementaire doit remplir ou mettre à jour à chaque (ré)élection. Encore faut-il le savoir et surtout s’y référer.

Certes, nos institutions fonctionnent d’une manière relativement transparente. La loi fédérale sur le principe de transparence dans l’administration, entrée en vigueur en 2006, s’applique également aux services du parlement. Grâce aussi bien sûr aux développements d’internet. Une somme considérable d’informations est désormais accessible au public. Toutefois, il faut bien faire la distinction entre la consultation facultative des informations mises à la disposition du peuple et une publication automatique de ces mêmes informations.

C’est justement le but recherché par ma démarche: que l’information nécessaire à l’élaboration d’un choix atteigne effectivement l’électeur. I

* Conseiller financier indépendant à Lausanne, ancien secrétaire du PDC Vaud, porte-parole de l’initiative Minder en Suisse romande. Texte intégral paru dans Domaine Public le 19 février 2017, www.domainepublic.ch/articles/31040

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