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«La démocratie directe n’est pas le jouet des partis»

Thierry Apothéloz réagit à la proposition de l’UDC soumettant tout projet de construction de foyer pour migrants à une votation communale.
Communes genevoises

L’UDC veut inscrire dans une loi cantonale un référendum automatique et obligatoire sur tout projet de construction d’un centre d’accueil pour requérants d’asile.

C’est une idée pour le moins saugrenue. Pourquoi ce sujet en particulier, et pas un autre, devrait-il être automatiquement soumis au suffrage populaire? Si les porteurs de ce projet se préoccupent tant de l’avis de la population, pourquoi n’ont-ils jamais pensé à inscrire un référendum automatique sur toutes les coupes sociales au niveau fédéral? Sur l’aménagement du territoire? Sur l’augmentation des primes maladie? On ne peut pas faire de démocratie populaire à géométrie variable. Les communes genevoises, qui ont une longue et prolifique expérience en matière de participation de proximité, n’ont pas de leçons à recevoir en termes de démocratie participative. Nul n’est dupe sur les intentions cachées des promoteurs de ce projet, dont on sait, sous couvert de refrain démocratique, le mépris qu’ils affichent ouvertement pour les migrants. Les termes choisis dans leur communiqué de presse en disent suffisamment long sur le sujet.

Plus choquante encore est l’idée de faire passer à la caisse les communes qui refuseraient d’accueillir des migrants. La sanction par l’argent! Quelle triste conception de la démocratie où on ne donne plus le choix entre un oui et un non, mais entre la soumission ou la rançon. Cette conception de la citoyenneté est d’autant plus inacceptable qu’elle crée une inégalité de fait entre communes riches, qui pourront finalement se permettre de choisir l’une ou l’autre des options proposées, et communes pauvres, qui courront le risque de voir leur situation financière déjà délicate se péjorer d’avantage, quelle que soit d’ailleurs l’issue du vote. Les politiques, élus pour diriger les collectivités locales, se verront donc contraints de devoir faire des choix le pistolet sur la tempe. Cela n’est pas ma conception de la démocratie.

A Genève, l’accueil des migrants est du ressort du canton. Et pourtant les communes font déjà une part considérable du travail d’intégration, de cohésion sociale et de soutien. Dans des écoles, dans des maisons de quartier, dans des clubs de sport par exemple. Souvent, elles accompagnent et soutiennent de magnifiques initiatives d’habitants. Elles n’y sont en rien obligées, mais savent se monter solidaires, pour le bien de tous. Je ne pense pas qu’il faille aujourd’hui venir leur faire la morale ou les infantiliser en dévoyant l’outil démocratique. La démocratie n’est pas un jouet. En tous cas pas au service d’un discours sur la migration que les communes genevoises ne partagent pas.

Thierry Apothéloz est le président de l’Association des communes genevoises.

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