Chroniques

L’agriculture et l’alimentation doivent redevenir l’affaire de tous

Après le dépôt de son initiative pour la souveraineté alimentaire, le syndicat de paysans Uniterre compte élargir et organiser la mobilisation avec la mise sur pied d’une coalition nationale prévue pour septembre 2016.
Suisse

Uniterre et ses alliés ont déposé, fin mars 2016, 109 000 signatures pour l’initiative «Pour la souveraineté alimentaire. L’agriculture nous concerne toutes et tous». Le 22 juin dernier, le Conseil fédéral recommandait de rejeter notre initiative sans contre-projet. Une semaine plus tard, il annonçait qu’il souhaitait préparer, parallèlement à la prolongation du moratoire sur les OGM jusqu’en 2021, la mise en place de zones où il serait possible d’en cultiver. Voici deux prises de positions du gouvernement qui vont donner des ailes à la future coalition en faveur de l’initiative pour la souveraineté alimentaire qui sera lancée le 21 septembre prochain à Berne. L’étape qui nous mènera à la votation sera dense pour notre organisation comme pour ses alliés. D’où la nécessité de réunir nos forces au sein d’un mouvement pour la souveraineté alimentaire qui permettra de cumuler les différents intérêts représentés dans notre projet de changement constitutionnel.

Pour rappel, notre initiative souhaite ancrer dans la Constitution suisse un article sur la souveraineté alimentaire. Son objectif: développer une politique agricole et alimentaire qui donne une priorité à la production indigène d’aliments, qui soit digne pour les personnes qui travaillent la terre par le biais de prix rémunérateurs et de salaires justes pour les travailleurs agricoles. Elle souhaite que la Confédération travaille à la réalisation d’un marché plus transparent, qu’elle encourage les circuits courts entre producteurs, transformateurs et consommateurs ,et qu’elle s’engage pour un commerce international plus juste. Elle proscrit les OGM dans l’agriculture et demande de garantir le droit à l’utilisation, à la multiplication, à l’échange et la commercialisation des semences par les paysans. Pour les consommateurs, notre initiative demande plus de transparence, un meilleur étiquetage des produits et la possibilité de taxer, au besoin, les produits importés qui ne respecteraient pas les normes écologiques et sociales édictées en Suisse. Enfin elle souhaite protéger les terres agricoles et développer des mesures proactives pour favoriser l’installation des jeunes dans l’agriculture.

Au contraire de ce qu’affirme le Conseil fédéral, nous ne demandons pas une régulation étatique des prix. Nous exigeons simplement des mécanismes qui permettent aux acteurs d’une filière de définir, à forces égales, des prix qui permettent à chaque échelon de la chaîne alimentaire de couvrir ses coûts. Rappelons que la Suisse vit sous un régime d’oligopole ou deux grands distributeurs maîtrisent près de 80% du commerce de détail. Depuis une quinzaine d’années, le nombre de transformateurs a fondu. Ainsi, il est impossible pour les paysans de se trouver dans une position de négociation. Comme l’Etat le fait lorsqu’il édicte des contrats types de travail ou quand il fixe les points Tarmed dans le domaine de la médecine, nous demandons simplement plus de transparence et d’équité.

Nous n’affirmons pas, comme le laisse supposer le Conseil fédéral, que seule la «petite paysannerie» devrait être encouragée. Nous souhaitons simplement mettre fin au dogme qui ne voit le salut de l’agriculture que dans le «croitre ou disparaître». Nous n’avons jamais indiqué quelle était la taille idéale. Nous affirmons simplement que c’est dans la diversité des structures, des types et modes de production que nous pourrons asseoir une production indigène saine et durable et que, pour se faire, il faut davantage de personnes actives dans le secteur primaire.

Evidemment, notre texte d’initiative remet en question les engagements libre-échangistes de la Suisse sur le plan international. Mais rappelons ici que les accords commerciaux sont renégociables comme tout contrat passé entre deux partenaires. S’opposer au libre-échange ne veut pas dire refuser le commerce international qui reste une nécessité; seules les règles changent. De larges mouvements populaires essaiment en Europe contre le TTIP et TISA. Nous serons avec nos collègues européens l’automne prochain en Roumanie pour renforcer le mouvement continental ayant pour objectif de réformer nos politiques agricoles vers la souveraineté alimentaire. Car comme il est affirmé dans le rapport mondial sur l’agriculture, un changement de paradigme est indispensable si nous ne voulons pas provoquer, à court terme, le crash du système alimentaire. Le peuple suisse a la clé du changement entre ses mains.

* Vice-présidente d’Uniterre, www.uniterre.ch, association membre de la NAC.

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