Les psychiatres bannissent les «thérapies» antigay
De récentes controverses dans plusieurs pays demandent des éclaircissements sur l’orientation sexuelle, l’attraction vers les personnes de même sexe et le comportement.
Aux côtés d’autres organisations internationales, l’Association mondiale de psychiatrie (WPA – World Psychiatric Association) considère que l’orientation sexuelle est innée et déterminée par la biologie, la psychologie, le développement mental et des facteurs sociaux.
Il y a plus de cinquante ans, Kinsey (1948) documentait une grande diversité de comportements sexuels parmi les individus. Surprenant pour cette époque, il décrivait que 10% des individus présentaient des comportements homosexuels. Des études ultérieures ont montré que 4% de la population s’identifie comme homosexuels (gay, lesbienne ou bisexuel-le). 0,5% se reconnait d’un autre genre que celui assigné à la naissance (transgenre) (Gates 2011). Au total, cela représente plus de 250 millions de personnes.
Les psychiatres ont la responsabilité d’agir pour réduire les inégalités entre les individus, y compris les inégalités relatives à l’identité de genre et à l’orientation sexuelle.
Bien qu’ayant malheureusement perpétué la stigmatisation et la discrimination, cela fait maintenant des décennies que la médecine moderne a abandonné la «pathologisation» de l’orientation sexuelle homosexuelle et de son expression. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnait l’homosexualité comme une variante normale de la sexualité humaine (OMS 1992). Le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies (2012) reconnait les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. Dans les deux principaux systèmes de classification et de diagnostic des maladies (CIM-10 et DSM-5), l’orientation sexuelle homosexuelle et l’identité de genre ne sont pas considérées comme des maladies. (OMS 1993, APA – American Psychological Association 2013).
Il existe de nombreuses recherches qui suggèrent que les comportements sexuels et la fluidité entre les genres dépendent de nombreux facteurs (Ventriglio et al 2016). De plus, il a été mis en évidence que la prévalence de troubles psychiques chez les LGBT est supérieure à la moyenne (Levounis et al 2012, Kaira et al 2015), et que, dès que les droits et l’égalité sont reconnus, ces taux commencent à diminuer (Gonzales 2014, Hatzenbuehier et al 2009, 2012, Padula et al 2015).
Certaines personnes homosexuelles ou transgenres peuvent être conduites à expérimenter des options thérapeutiques censées les aider à vivre plus confortablement, à réduire leur détresse, à faire face aux discriminations, ou à développer une meilleure acceptation de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. De tels procédés s’appliquent à toute personne qui rencontre des difficultés relatives à un aspect de leur personnalité, y compris les hétérosexuels.
L’Association mondiale de psychiatrie croit dans les traitements qui s’appuient sur des bases scientifiques solides. Or, aucune preuve scientifique ne montre que l’orientation sexuelle innée peut être modifiée. De plus, ces soi-disant traitements de l’homosexualité peuvent être un contexte où les préjugés et les discriminations se répandent, et être potentiellement dangereux (Rao and Jacob 2012). Proposer de «traiter» quelque chose qui n’est pas une maladie mentale est totalement contraire à l’éthique.
Action
1. L’Association mondiale de psychiatrie est d’avis que les lesbiennes, gays, bisexuel-le-s et transgenres sont et doivent être considérés comme des membres à part entière de la société au même titre que tous les autres citoyens. Cela implique un égal accès aux soins ainsi que les droits et devoirs usuels de la vie en société;
2. L’Association mondiale de psychiatrie reconnait l’universalité de l’homosexualité dans toutes les cultures. Elle défend que l’homosexualité – en soi – n’implique pas de dysfonctionnements psychologiques ou de troubles du jugement, de la stabilité, ou des capacités professionnelles;
3. L’Association mondiale de psychiatrie considère l’homosexualité comme l’une des variantes de la sexualité humaine. Elle reconnait le caractère multi-facteur de la détermination de la sexualité, de l’orientation sexuelle, et des modes de vie. Elle reconnait le manque d’efficacité des traitements voulant modifier l’orientation sexuelle et souligne les dommages et effets indésirables de telles «thérapies»;
4. L’Association mondiale de psychiatrie reconnait la stigmatisation et les discriminations dont font l’objet les homosexuels et les personnes transgenres. Elle reconnait que les difficultés auxquelles ils font face sont une source significative de leur détresse et appelle à la mise en place de services de santé mentale spécifiques;
5. L’Association mondiale de psychiatrie soutient la nécessité de décriminaliser l’homosexualité et les identités transgenres, de reconnaitre les droits LGBT comme des droits humains. Elle soutient également les législations anti-harcèlement, contre les discriminations dans l’éducation, le travail et le logement, l’égalité face à la migration, l’égalité pour la majorité sexuelle, et la reconnaissance des crimes de haines qui prévoient des peines alourdies pour les actes commis à l’encontre des personnes LGBT;
6. L’Association mondiale de psychiatrie souligne la nécessité des recherches et du développement de programmes médicaux et sociaux au profit de la santé mentale des LGBT.
* Traduit de l’anglais par Dialogai. Le document original, «WPA Position Statement on Gender Identity and Same-Sex Orientation, Attraction, and Behaviours», est accessible sur le site de l’Association mondiale de psychiatrie (WPA): www.wpanet.org