Cachez ce dessin…
L’affaire est assez piquante pour être relevée. Le président de l’UDC neuchâteloise a fait décrocher huit dessins de presse d’une exposition consacrée à l’immigration. Montrée à école de Fleurier, dans le Val-de-Travers, «La Suisse, terre d’accueil, eldorado ou paradis perdu?» entend développer la réflexion critique des élèves sur les phénomènes de racisme. Il se trouve que plusieurs dessins mettent en cause l’UDC, œuvres de Chapatte, Vincent, Pitch Comment et Pigr, notamment. Qu’Yvan Perrin en ait touché un mot à la conseillère d’Etat en charge de l’Instruction publique n’a rien à voir avec une quelconque intention de censure, se défend le politicien. Non, ce qui lui déplaît est que l’exposition soit «unilatérale, contre la droite et, surtout, contre l’UDC». A noter que l’exposition n’a pas été conçue par un groupuscule gauchiste avide d’en découdre avec la droite et virgule surtout virgule l’UDC. Mais par la Ville de Sion, qui l’a conçue en 2014 dans le cadre d’actions contre le racisme.
C’est au nom de la neutralité de l’école que Monika Maire-Hefti s’est exécutée, et fort rapidement. Peut-être plus encore que la réaction épidermique d’Yvan Perrin, c’est la célérité du Conseil d’Etat neuchâtelois qui inquiète. La neutralité de l’école implique-t-elle de renoncer à aiguiser la pensée des élèves qu’elle prétend former? A leur apprendre à développer un regard critique vis à vis des actions des partis politiques – quel que soit le sujet d’ailleurs? A les aider à former leur opinion sur la question du racisme? A les éduquer au dessin de presse et à l’outrance qui caractérise celui-ci – certains dessins frisent le code, sans doute – ? Et comment parler d’immigration sans être politique, à l’heure où cette question occupe le devant de la scène politique européenne?
Comment, encore, parler immigration sans parler… UDC? Sans être unilatéral? Que le président de l’une de ses sections cantonales ouvre des yeux de biche effarouchée, alors que l’UDC ne manque pas une occasion d’occuper le terrain sur ce sujet, est sidérant. On ne savait pas ce parti si respectueux de l’intégrité d’autrui, lui qui prend si volontiers les étrangers pour cible et les assimile au mieux à des moutons noirs, au pire à des violeurs en puissance. Yvan Perrin, dans son indignation, juge que de tels dessins n’ont pas leur place dans une école, dont le public est captif. Il est vrai que le simple passant, lui, ne l’est pas: il lui suffit de se détourner de son chemin pour emprunter une rue où aucune affiche de l’UDC ne l’agressera de ses outrances, autrement plus nocives que celles de quelques dessins de presse. Mais vu les moyens financiers considérables du parti blochérien, cela impose de nombreux détours.