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Il court, il court, le colis…

JE TIRE OU JE POINTE

Méfiez-vous des gens qui vous disent que c’était mieux avant. C’est vrai quoi, les enfants étaient plus obéissants à l’école, mais on leur tapait un peu dessus quand même. Les couples étaient plus solides? Euh, bof, une chose est sûre, les femmes étaient plus dépendantes et mouraient pas mal en couches. Adieu famille idéale, Perette et son pot au lait dans la foulée, et bonjour la réalité des remariages et autres joyeusetés planquées, histoire de justifier la sacralisation de la famille. Donc, restons lucides. Tout ne fout pas le camp. D’abord, pour que tout foute le camp, encore faudrait-il définir ce tout comme la perfection sur terre qui, d’un coup d’un seul, serait engloutie dans une crevasse islandaise. D’ailleurs, lisez un de leurs polars, et vous verrez qu’avant, là-bas non plus c’était pas top, et que maintenant, côté climat, sauf climat financier, c’est pas mieux.

Donc, reprenons le fil de notre propos, pour suggérer que ce n’était sans doute pas vraiment mieux avant, mais que bon, ici, maintenant, on pourrait améliorer un chouia la donne. Exemple, les commandes par internet et leur livraison. Tout le monde trouve ça top. Sauf vous, résolument minoritaire, et plutôt fan des magasins où l’on se démène pour satisfaire sa clientèle. Un peu old school, comme dirait les jeunes. Voilà que vous tombez sur un reportage d’une chaîne de télévision française sur l’envers du décor des colis expédiés tout azimut. Et c’est parti mon kiki pour le train fantôme version futuriste: une femme quasi mutante avec un lecteur de code barre en guise de main et de cerveau, arpente des rangées d’étagères métalliques dans des hangars glauques à la poursuite d’objets à mettre dans les colis… toute fière, mais quand même un peu stress, elle avoue scanner une quantité astronomique de paquets. A l’heure? Non, à la minute!

Ensuite, un chef hilare montre les écrans électroniques qui enregistrent les colis qui se baladent sans âme qui vive sur des kilomètres de tapis roulant pour atterrir dans un camion qui fonce vers une ville, un dépôt, un autre camion. Et enfin, ce fameux dernier kilomètre de tous les dangers, mais surtout de toutes les exploitations: des gars pseudo indépendants qui, aux premières lueurs du jour, foncent comme des damnés dans leur camionnette pour récupérer des colis dans des hangars affreux et charger style 150 paquets à délivrer en moins de 5 heures, après c’est pour leur pomme. Résultat, un tournus incroyable et un colis sur trois arrive en piteux état, ou pas du tout, chez vous. Bref, des jobs à la mode dans un monde branché dont même les poulets en batterie ne voudraient pas.

Dans le même temps, on vire les personnes ressources qui mettent de l’huile dans les rouages du quotidien, comme celles fières de vous trouver le truc dont vous avez besoin et de le faire venir en centralisant les déplacements. Mais bon, c’est si chouette de recevoir ses paquets sans un sourire, sans un mot gentil, sans dire merci à personne et sans que personne ne vous doive rien. En effet, en cas de réclamation, vous pouvez taper 1, puis taper 2 frénétiquement, péter un câble, écrabouiller dièse pour finalement courir, tel le furet de la comptine, après votre colis égaré! Il court, il court, le furet, le furet du bois gentil…

* Journaliste.

Opinions Chroniques Brigitte Mantilleri

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lundi 8 janvier 2018

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