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Solidarité avec les prisonniers politiques égyptiens

GENÈVE • Dans le cadre d’une campagne de solidarité internationale, un rassemblement est organisé ce jeudi à Genève devant la Mission permanente d’Egypte. Eclairage.

Une campagne internationale a été lancée il y a quelques semaines en solidarité avec les prisonniers politiques égyptiens et pour dénoncer la répression massive et sanglante du régime militaire au pouvoir, présidé par l’ex-maréchal Sissi, contre toute forme d’opposition.

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fattah al-Sissi, en juillet 2013, la machine répressive s’est mise en marche de façon extrêmement violente. Ses conséquences sont, à ce stade, estimées à 2500 morts et 17 000 blessés, quelque 16 000 arrestations, et plus de 1000 condamnations à mort au terme de procès expéditifs. Au rang des exactions, le massacre commis en août 2013 par les services de sécurité contre les membres des Frères musulmans au Caire, causant la mort de plus de 1000 manifestants, ou encore l’assassinat par un policier, au cours d’une manifestation commémorant les quatre ans de la révolution, en janvier 2015, de la militante de gauche révolutionnaire Shaimaa el-Sabbagh.

Les prisonniers politiques sont aujourd’hui plus de 40 000 dans le pays. Le régime a condamné à mort des centaines de membres du mouvement islamiste des Frères musulmans – y compris l’ancien président Morsi – et des milliers d’entre eux sont en détention. La nature contre-révolutionnaire et réactionnaire du mouvement des Frères ne peut conditionner la défense des droits démocratiques pour toutes et tous, au risque de complicité avec l’oppresseur.

Les militants démocrates et de gauche n’ont pas été davantage épargnés. Plusieurs figures de la révolution, comme l’avocate Mahienour El-Massry et le journaliste Youssef Shaaban, membres des socialistes révolutionnaires, l’activiste blogueur Alaa Abdel Fattah, ou encore des leaders du Mouvement du 6-Avril, organisation de jeunes révolutionnaires, ont été victimes de la répression. Le mouvement «Liberté pour les courageux», qui lutte contre les arrestations de militants, a recensé 163 disparitions depuis avril 2015, pour la plupart des militant-e-s de gauche et démocrates, parmi lesquels 66 restent introuvables. Dans le passé, tous ces activistes s’étaient battus contre les politiques autoritaires et antisociales, déployées tant sous le régime Moubarak que sous celui des Frères musulmans. Des milliers de militants révolutionnaires, laïcs, athées, démocrates ou syndicalistes, sont emprisonnés, réprimés ou poussés à l’exil. La presse est également censurée: toute critique du régime des militaires est bannie. Les manifestations sont quasi interdites et le droit de grève étranglé. Le régime parle aussi de mettre hors la loi les syndicats indépendants, et interdit la grève aux employés de l’Etat…

Il n’a pas hésité à dissoudre le club de supporters de foot des «ultras», qui avait joué un rôle important dans le processus révolutionnaire, en le décrétant organisation terroriste. Le Mouvement du 6-Avril est en passe de subir le même sort, tandis que les «Socialistes révolutionnaires» sont accusés de conspirer avec des forces étrangères pour semer le chaos dans les rues égyptiennes.

Cette répression massive a reçu l’appui déterminé des monarchies réactionnaires de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis. Qui ont, avec le Koweit, annoncé en mars dernier des aides cumulées de 12milliards de dollars, sous forme d’investissements pour l’économie égyptienne et d’aides au développement.
De leur côté, les gouvernements occidentaux ne se préoccupent guère des violations des droits démocratiques en Egypte. Les ventes d’armes et de technologies de surveillance au Caire sont toujours autorisées – à l’instar de la vente des Rafale conclue par la France en février dernier. Sans oublier la récente visite officielle de Sissi en Allemagne, qui a débouché début juin sur la signature d’un contrat de 9 milliards de dollars avec la société Siemens, portant sur la fourniture de centrales thermiques et d’éoliennes à l’Egypte. Quant aux Etats-Unis, ils ont annoncé mi-avril le dégel de la dernière enveloppe de 650 millions de dollars, bloquée après la destitution du président Morsi et conditionnée par des réformes démocratiques. Cette enveloppe fait partie des 1,5 milliard de dollars d’aide au régime égyptien alloué chaque année par les Etats-Unis, dont 1,3 milliard en assistance militaire. A cela s’ajoutent les hélicoptères de guerre Apache livrés récemment pour soutenir Le Caire dans sa lutte contre les jihadistes dans le Sinaï.

Face à ce constat, les organisateurs des actions de protestation à l’échelle internationale demandent, en collaboration avec les militants égyptiens, la fin de la répression des manifestations en Egypte, la libération des prisonniers politiques, des procès équitables pour toutes et tous, l’arrêt de la torture et des exécutions arbitraires.
 

* Militant solidaritéS Genève.
Rsssemblement: jeudi 18 juin, 18 h, devant la Mission permanente d’Egypte, 45-47, rue de Lausanne, Genève. www.solidarites.ch/geneve/

Opinions Agora Joseph Daher

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