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Le fléau saoudien

MOYEN-ORIENT • Laurent Tettamanti fustige la complaisance de l’Occident, Suisse y compris, à l’égard de l’Arabie saoudite.

L’unique Etat qui porte le nom d’une famille – le clan des Al-Saoud – n’en finit pas d’opprimer des millions de personnes et de semer le chaos dans tout le monde arabe. Monarchie absolue et théocratique se revendiquant d’un courant politico-religieux réactionnaire (le wahhabisme), l’Arabie saoudite n’a ni Constitution, ni Code pénal, ni Droit du travail. Les femmes vivant dans ce royaume n’ont aucun droits et sont traitées comme des animaux domestiques (elles ne peuvent même pas rencontrer un homme sans la présence d’un parent proche ou de leur mari), quant aux nombreux travailleurs immigrés (dont on confisque les papiers à l’arrivée), ils se retrouvent quasiment réduits en esclavage. La liste des violations des droits de l’homme dans ce pays n’a pas de pareil, et pourtant l’Arabie saoudite semble intouchable…

Il faut comprendre qu’au-delà de cette terrible situation intérieure, le royaume – premier importateur mondial d’armes en 2014 – est un avant-poste de l’impérialisme yankee dans la région, ainsi qu’un important allié du sionisme. Il a soutenu l’Irak dans sa guerre contre l’Iran dans les années 1980, puis a participé à la destruction de ce même Irak dès 1991. Récemment, il a contribué activement à la déstabilisation de la Syrie via notamment son soutien au groupe Etat islamique, qu’il ne contrôle visiblement plus, puisque ce dernier menace dorénavant ouvertement les «pachas» de Ryad. Actuellement, le pouvoir saoudien concentre ses forces sur le Yémen, qu’il bombarde quotidiennement pour empêcher l’avènement d’un nouveau gouvernement échappant à son contrôle et à celui des Américains, tuant des milliers de civils innocents. En fait, l’Arabie saoudite cherche à détruire toutes les républiques souveraines de la région. Parallèlement, sa guerre tous azimuts contre les chiites (au Yémen, en Irak et en Syrie) ressemble de plus en plus à une croisade génocidaire.

Il faut aussi savoir que Ryad est un partenaire économique et financier de premier plan de l’Occident, avec ses immenses champs pétroliers et ses fonds souverains gorgés de pétrodollars. Ceux-ci participent à maintenir à flots les marchés financiers, font monter les prix de l’immobilier dans les capitales, et renflouent nombre d’entreprises en manque de liquidités, même avec un baril de pétrole valant moins de 60 dollars.

Cette puissance financière explique sûrement pourquoi le clan des Al-Saoud se sent comme chez lui dans notre ville, qui se rêve pourtant en centre mondial des droits de l’homme. La famille possède trois propriétés entre Cologny et Collonge-Bellerive – dont la principale résidence secondaire des différents monarques depuis la fin des années 1970 – fait ouvrir des commerces en pleine nuit comme en juin 2002 dans les Rues-Basses, exploite sans vergogne des domestiques… Et tout ce que l’on entend sur eux, c’est qu’ils adorent notre ville et ses feux d’artifice. Merci!

Cette complicité avec l’Arabie saoudite pose d’énormes problèmes. Elle renforce et perpétue ainsi l’ignoble ordre moyenâgeux qui règne dans le pays. Elle cautionne de facto le soutien saoudien aux groupes armés salafistes, avec pour résultat l’embrasement de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Afrique. En ce sens, les énormes ventes d’armes européennes et américaines au royaume saoudien sont criminelles. De même, cette connivence est synonyme d’exacerbation du «choc des civilisations» du fait de l’important prosélytisme religieux orchestré par les Saoudiens – qui financent notamment la construction de luxueuses mosquées un peu partout dans le monde, de la France aux Maldives en passant par l’Ethiopie. A cela s’ajoute le fait que la dépendance occidentale aux hydrocarbures et aux capitaux saoudiens mène à un chantage diplomatique qui renforce cette situation déjà déplorable.

Il est donc temps de prendre pleinement conscience du rôle néfaste joué par ce clan et par l’Etat qu’il contrôle. Nos autorités doivent clairement se distancier de ces autocrates qui cumulent toutes les tares du passé et du monde moderne, alliant dans un nauséabond mélange des genres application dogmatique de la charia et consumérisme outrancier, croisades religieuses et conquêtes boursières.
 

*  Politologue et secrétaire du Mouvement vers la Révolution Citoyenne (MvRC)

Opinions Agora Laurent Tettamanti

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