L’ONU réduit de moitié l’aide alimentaire
Officiellement, 620 000 réfugiés syriens sont enregistrés en Jordanie voisine, mais ils sont certainement beaucoup plus nombreux. Leur situation devient de plus en plus difficile: les organisations d’aide des Nations Unies et le gouvernement jordanien ont réduit leur soutien. Une évolution fatale pour les familles concernées.
Le camp de réfugiés de Zaatari abrite quelque 83 000 réfugiés syriens, ce qui en fait désormais la quatrième plus grande ville du pays. Mais 84% des réfugiés vivent à l’extérieur des camps officiels, par exemple dans la ville de Mafraq, située à quelques kilomètres seulement du camp de Zaatari. Mafraq a connu un accroissement fulgurant: depuis le début du conflit syrien, 90 000 réfugiés sont venus s’ajouter aux 75 000 habitants.
Les réfugiés enregistrés n’ont pas le droit de travailler en Jordanie. Ceux qui tentent malgré tout de gagner de l’argent doivent s’attendre à être ramenés au camp ou même refoulés en Syrie. Une femme qui habite dans les locaux d’une ancienne boulangerie située au cœur de Mafraq, avec sa fille et son mari alité à la suite de plusieurs attaques cérébrales, raconte: «Mon fils a essayé de gagner un peu d’argent. Il a récupéré du vieux pain jeté aux déchets, l’a séché au soleil et l’a vendu à des paysans pour leurs moutons. La police l’a arrêté. Il est maintenant dans le camp de Zaatari et n’a plus le droit d’en sortir. Nous devons nous débrouiller seuls ici.»
Comme il est impossible de percevoir un revenu, les réfugiés sont complètement à la merci d’une aide extérieure. Ceux qui sont enregistrés ont droit à des bons de nourriture du Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM). En décembre, le PAM a tiré la sonnette d’alarme et a annoncé qu’il était obligé de suspendre son aide aux réfugiés syriens faute de financement. Ce scénario fatal a certes pu être évité, grâce à des promesses de financement de pays membres de l’ONU, mais le soutien a été considérablement revu à la baisse. «Nous recevons deux fois moins de bons qu’avant. Comment survivre dans ces conditions?» s’inquiète le père d’une famille de huit personnes. Tous les réfugiés enregistrés en dehors du camp sont touchés par ces mesures de restriction. Certains n’ont d’autre choix que de retourner dans le camp de Zaatari, où ils obtiennent certes à manger, mais passent chaque jour des heures dans les files d’attente. Beaucoup craignent aussi pour la sécurité des femmes et des enfants, les camps étant également le théâtre de mariages forcés et d’enlèvements.
Le gouvernement jordanien a lui aussi limité l’aide aux réfugiés qui avait jusque-là été dispensée avec générosité. Ainsi, depuis novembre dernier, les soins de santé ne sont plus gratuits. Comme la contribution minimale de 50 dinars jordaniens par traitement excède souvent les possibilités d’une famille, les gens renoncent à se rendre chez le médecin. Les violations de l’interdiction de travailler sont strictement réprimées. «La pression sur les réfugiés ne cesse de croître. Nous recevons chaque jour davantage de demandes de familles qui ont impérativement besoin d’aide. Nous les aidons dans la mesure du possible, mais nous ne pouvons pas couvrir ces besoins de plus en plus importants», déclare Wael Suleiman, directeur de Caritas Jordanie.
Plusieurs familles de réfugiés retournent déjà en Syrie par pure détresse, bien que cela les expose à un grand danger. D’autres espèrent pouvoir partir dans un autre pays, en Europe ou en Amérique du Nord. Les gens qui restent espèrent seulement que le public mondial, lassé par les images de misère, ne va pas se détourner et abandonner à leur sort les victimes du conflit syrien qui semble interminable.