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La tour Taoua: un «cri» dans le paysage urbain

LAUSANNE • A quelques jours de la votation, le verdict de Léopold Veuve, figure marquante de l’urbanisme en Suisse romande, est catégorique: «Construire la tour Taoua, c’est rompre le pacte entre la ville et son relief.»

Lausanne entend exprimer le dynamisme de son évolution actuelle, désir légitime. Le Centre de Beaulieu justifie un programme exceptionnel nécessitant une densification de ce lieu. D’accord. Cela doit se traduire par un projet caractérisé par une tour, pourquoi pas, mais un programme de densification peut très bien être réalisé sans construire une tour. Aucun architecte ne vous contredira sur ce sujet.

Mais avec une tour, c’est mieux, c’est l’expression du dynamisme de la ville, voyez Bâle, Zürich et dans des villes plus grandes – on cite Amsterdam –, partout elles sont présentes. C’est tendance, comme on dit aujourd’hui.

Mais les exemples cités n’ont rien à voir avec la situation de Lausanne. Allez vous promener à Bâle ou à Zurich, les tours ne sont visibles qu’exceptionnellement, elles sont situées sur des villes en partie plates, sur des plaines alluviales ou sur des comblements gagnés sur l’eau où ce sont les tours qui créent le site.
Lausanne a le privilège d’être située sur un terrain en pente continue descendant vers le lac, avec, en plus, des vallons et des crêtes. Topographie compliquée révélant dans le paysage, parfois d’une manière surprenante, des bâtiments qui sont pourtant sans excès dans leur hauteur.

Jusqu’à ce jour le développement de la ville, à quelques exceptions près, a bien négocié le privilège du site, ce qui lui assure son identité actuelle. L’exemple du CHUV, a contrario, est une leçon en vraie grandeur, montrant qu’un volume important peut-être rapidement hors d’échelle par rapport à son contexte. Depuis de nombreux points de vue aussi bien en ville qu’en venant vers la ville, on se demande quel est ce pavé dans la ville.

La tour Taoua, par sa hauteur et sa masse combinées avec la topographie, va s’imposer comme un «cri» dans le paysage urbain. Comment est-ce possible que cette tour soit déjà bien visible en débarquant à Ouchy? C’est un exemple des effets de la pente, Beaulieu se situe à plus de 150  mètres au-dessus d’Ouchy, auxquels il faut ajouter les 86 mètres de la tour, et vous aurez la réponse.

Le respect du site est une longue histoire de la société lausannoise et de son attachement aux problèmes de vues. Cette épaisseur historique explique la situation présente. Construire la tour Taoua, c’est rompre le pacte entre la ville et son relief et ouvrir la ville aux programmes des tours. Après Beaulieu, l’avenue de la Gare et, au fil du temps, d’autres sites seront sollicités pour des tours. C’est entrer dans le jeu de la banalisation contemporaine posant pour principe que le dynamisme de la ville se symbolise par des tours. Lausanne deviendra une ville comme les autres avec leurs tours.

C’est ici que se trouve la vraie décision, le «oui» est une rupture avec l’histoire et avec les qualités intrinsèques du relief (une décision que ni Bâle ni Zürich n’ont eue à prendre). A la société de décider, et si c’est oui, elle ne pourra pas dire «on ne s’est pas rendu compte.»

En conclusion, nous invitons toutes les Lausannoises et tous les Lausannois qui n’ont pas encore voté ou qui hésitent à prendre position en se posant la question: la Ville de Lausanne ne mérite-elle pas mieux que cela?