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Mandela n’est plus; la lutte continue

RÉSISTANCES • Revenant sur les obsèques officielles de Nelson Mandela, Florian Rochat fustige l’hypocrisie des hommages de certains Etats, au regard de leur soutien au régime de l’apartheid en Afrique du Sud.

Voir certains chefs d’Etat occidentaux trôner à la tribune d’honneur du stade de Soweto, lors de la cérémonie d’adieu à Nelson Mandela, avait assurément quelque chose d’indécent; entre autres, pour nous basés à Genève, la présence affichée sans vergogne de représentants de la Suisse. Une Suisse dont le Conseil fédéral bloque encore aujourd’hui toutes recherches sur les liens étroits que l’establishment de ce pays, en large part en tout cas, a entretenus avec le régime d’apartheid; jusqu’au bout et même au-delà.

L’hypocrisie de certains hommages, notamment venant d’Etats comme la Grande-Bretagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, le Japon, est d’autant plus choquante quand on sait le soutien que ces derniers ont apporté pendant des décennies à cet odieux régime.

Et que penser de l’étonnement feint de la plupart des journalistes à la vue, parmi les rangs officiels, de Mugabe ou de Raul Castro? Quels auraient été leurs propos si le frère de ce dernier, Fidel, et plus encore Kadhafi, y avaient figuré, si la santé du premier et l’assassinat du second ne les en avaient pas empêchés? Pourtant, leur place y aurait été particulièrement légitime, quoi qu’on pense d’eux. Mandela ne s’y était d’ailleurs pas trompé: à peine sorti de prison, ces dirigeants furent parmi les premiers qu’il rencontra, avec une chaleur spécialement évidente1 value="1">A noter que les premières distinctions internationales qu’il reçut, alors encore embastillé, furent: en 1979, le «Prix Nehru pour la paix» attribué en Inde et, en 1989, le «Prix Kadhafi des droits de l’homme», décerné par la Fondation Nord-Sud XXI dont le siège est à Genève.!

Dès sa création, et même avant qu’il soit officiellement constitué, le CETIM a placé le soutien aux luttes du peuple sud-africain au premier rang de ses activités. Aux côtés du Mouvement anti-apartheid de Suisse (MAAS), notamment, avec lequel il partageait militantes et militants, et même archives2 value="2">Il faut ajouter à cela la collaboration étroite que le CETIM avait établie à ce sujet à l’époque avec l’aile marchante du Conseil œcuménique des Eglises (COE) et dont il publia en 1975 un rapport, Ecumenical involvement in Southern Africa – rapport par la suite retiré des vitrines par l’instance dirigeante de cette organisation!, le CETIM mena autant qu’il pouvait ce combat essentiel: la liste de ses publications, séminaires, meetings, projections consacrés à l’époque à cette lutte est tout spécialement longue.

Récemment encore, en 2003, le CETIM a organisé une vaste série de conférences pour mettre en lumière la densité des relations, bancaires, industrielles, militaires ou autres, que les milieux d’affaires et la plupart des dirigeants politiques suisses ont entretenues, et entretiennent toujours, avec l’Etat d’Israël, avec les tenants du régime d’apartheid d’Afrique du Sud d’hier, et entre les élites politiques et militaires de ces deux pays, jusqu’en 1994.

Quant à son tout dernier ouvrage, tout juste sorti de presse, La Coupe est pleine3 value="3">www.cetim.ch/fr/publications_ouvrages/181/la-coupe-est-pleine-les-desastres-economiques-et-sociaux-des-grands-evenements-sportifs, une bonne part de ses pages sont consacrées à l’organisation, truffée de scandales, de la Coupe du monde football dans ce dernier pays en 2010 – et plus généralement aux désastres économiques et sociaux des grands événements sportifs.

Les journalistes et commentateurs ont expliqué la ferveur des hommages rendus de toutes parts à Mandela par son charisme particulier, mais surtout parce qu’il se serait fait «apôtre de la réconciliation et du pardon».

Mais de quelle «réconciliation» parle-t-on? Hier, aujourd’hui comme demain, il appartient au peuple d’Afrique du Sud, et aux peuples du monde en général, de lui donner sens et direction, d’en discuter le contenu et les conditions. Il ne s’est jamais agi de lutte entre «Noirs et Blancs», mais de luttes des exploités, des peuples spoliés et dominés contre leurs exploiteurs et la dictature absolue des oligarchies financières et d’affaires, pour changer radicalement l’organisation de la société mondiale.

Cette lutte, celle contre d’autres formes d’apartheid, l’injustice, l’oppression, les exploitations de toute sorte, là-bas comme ici et partout ailleurs, est toujours d’actualité!

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