Gros point d’interrogation sur les effets de la révision
Qu’adviendra-t-il des déserteurs érythréens avec la révision de la loi sur l’asile? La question est des plus controversées à Berne, où les parlementaires semblent y perdre leur latin.
A première vue, l’affaire est claire: les déserteurs ne seront plus reconnus comme réfugiés. Le Conseil national a adopté en juin une formulation encore plus dure que celle du gouvernement; le Conseil des Etats dira demain s’il accepte de s’y rallier.
Ce tour de vis pourrait toutefois demeurer sans effet sur la situation des déserteurs érythréens. A la tribune du National, la ministre Simonetta Sommaruga a affirmé qu’ils continueraient à obtenir l’asile, car ils sont considérés comme des ennemis de l’Etat dans leur pays d’origine. Ironie de l’histoire: le durcissement visait précisément les Erythréens.
Alors qu’il était conseiller fédéral, Christoph Blocher avait proposé cette réforme afin de damer le pion aux juges. Depuis fin 2005, la jurisprudence fédérale oblige Berne à reconnaître les déserteurs érythréens comme réfugiés. L’an dernier, plus de deux mille cinq cents Erythréens ont obtenu l’asile en Suisse.
«Le Tribunal administratif fédéral devra se conformer à la nouvelle loi», lance Heinz Brand, conseiller national UDC et membre de la Commission des institutions politiques. Les Erythréens ne peuvent toutefois pas être renvoyés. Ils recevront donc l’admission provisoire, un statut plus précaire que celui de réfugié.
Sa collègue Ruth Humbel (pdc/ AG) est du même avis. «Mme Sommaruga devrait dire les choses telles qu’elles sont. De telles demi-vérités sont mauvaises pour la confiance dans les institutions.» Plus nuancé, Alain Ribaux (plr/ NE) admet que la nouvelle disposition sera difficilement applicable dans le cas de l’Erythrée. Du coup, a-t-elle encore une raison d’être? «La nouvelle loi ne sert pas seulement à dissuader les requérants qui ne répondent pas aux critères de l’asile, elle est aussi destinée à rassurer la population», justifie le conseiller national.
Pour le Conseil fédéral, la jurisprudence actuelle continuera à s’appliquer «car la Suisse reste tenue de respecter la Convention sur les réfugiés.» Juriste à Amnesty, Denise Graf n’est pas complètement rassurée. L’ODM pourrait tenter de s’engouffrer dans la brèche en recalant les déserteurs qui ne font pas valoir explicitement des risques de persécution. «Nous avons une certains garantie tant que Mme Sommaruga est là, estime Denise Graf. Mais après?»