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Une droite à bout de souffle

AGORA GENEVE • Le durcissement de la politique cantonale anti-Roms constitue le «va-tout électoraliste d’une droite asthmatique», selon Sylvain Thévoz.

Une droite à bout de souffle? Pourtant, en ligne de mire, il y a le sprint jusqu’au 17 juin, élection complémentaire au Conseil d’Etat genevois. Il faut donc mettre les boosters à la campagne comme dit Marine Le Pen, mais comment? Eh bien, en faisant campagne sur «la sécurité», «les valeurs», pardi! Et voilà qu’à droite, on s’agite pour rééditer le hold-up de 2009 sur ces thématiques pour lesquelles Monsieur Maudet en Ville de Genève et Madame Rochat au Canton, ont avant tout fait preuve de leur impuissance à les résorber. On parle d’insécurité, d’incivilités, on fait peur, et on amalgame le tout dans une bouillabaisse que ne manque pas de reprendre la presse de boulevard en y mettant son gros grain de sel. La droite, asthmatique, redouble d’énergie pour souffler sur les braises du populisme sécuritaire, alors que c’est autour du logement, de l’économie, de la mobilité que se cristallisent les véritables enjeux dans ce canton.
Haro sur les Roms donc! La stigmatisation outrancière bat son plein, dans la presse et les arènes politiques. Chacun y va de son titre sensationnaliste: Genève inondée de Roms? (Tribune de Genève), Alerte rom sur Plainpalais! (GHI), Toujours plus agressifs les Roms envahissent Plainpalais (Le Matin). Monsieur Maudet joue avec le feu quand il souligne que, concernant les Roms, «la mobilisation de véhicules et de personnels péjorent les prestations du service public» (TDG, 29 mars). On voit des autocollants «Roms parasites» bourgeonner, entend au café des citoyens parler de «liquider les Roms», ça bouronne sous les cendres et ça commence sérieusement à faire froid dans le dos. Alors, pas dupe, on voit bien le petit piège de la droite asthmatique, qui joue là son va-tout électoraliste, mais comment rester silencieux?
Monsieur Maudet avait lancé en grande pompe son programme nommé les 12 travaux d’Hercule au début de la nouvelle législature. Ne faut-il pas aujourd’hui parler du tonneau des Danaïdes, et de l’échec d’une politique dans laquelle sont engloutis des millions sans aucun changement durable? On vide, on remplit, on vide, on remplit. Combien de camions poubelles gavés d’affaires des démunis? 45 tonnes récupérées dans les abris de fortune, et le cycle n’a pas de fin. Pourtant, pas découragé pour un sou, Maudet arrive à la fois à promouvoir une politique de nettoyage de la pauvreté et de criminalisation de la mendicité tout en taisant son coût et en en rendant responsables les pauvres! Il faut pourtant assumer et être responsable. Ce n’est pas le pauvre qui est responsable d’être sans abri, mais le choix politique qui est erroné, celui de s’entêter à remplir sans fin les tonneaux de la voirie avec les bricoles des démunis. Utiliser les forces de police pour vider les sébiles des mendiants, pour contraindre des détresses sociales et criminaliser la mendicité est inutile et coûteux. Il faut un meilleur cahier des charges pour la police que celui de la lâcher sur les mendiants ou les ramasseurs de couvertures.
La droite asthmatique, s’inspirant en droite ligne de Nicolas Sarkozy, a choisi de voter des lois et de pénaliser la pauvreté. Pour quels résultats? Une surcharge du système policier, judiciaire, sans aucun résultat sur le terrain, si ce n’est celui de la compulsion de répétition et l’addiction à la répression. Monsieur Maudet a augmenté régulièrement le nombre des agents de la police municipale (+19 postes dans son département au budget 2012 pour un montant d’un million et demi. En comparaison, le Département de la cohésion sociale et de la solidarité n’a eu que deux postes, et aucun de terrain!). L’obsession hygiéniste coûte extrêmement cher au contribuable (20millions pour la loi anti-mendicité, selon l’association Mesemrom) sans aucuns résultat durable ni même provisoire. Il est temps d’essayer autre chose. Une véritable politique de la ville, citoyenne, inclusive, se centrant sur des priorités sociales et évitant les stigmatisations électoralement aguicheuses et sources de tensions sociales. Pourquoi Monsieur Stauffer, sitôt élu à Onex, s’est-il jeté sur le dicastère de la Culture plutôt que d’empoigner la police, laissant à la socialiste Carole-Anne Kast gérer avec brio ce département? Ne s’agit-il pas là d’une reconnaissance de facto que l’on ne peut être à la fois pyromane et pompier?
Les asthmatiques soufflent sur les braises, s’agitent et moulinent des bras, mais ils n’ont que des verres d’eau pour éteindre les incendies qu’ils développent. Cette politique du pire fait mal à la République. La droite, à bout de souffle, a éliminé Müller, cramé. Elle lance maintenant Maudet, le rêvant ignifuge, mais dont l’hygiénisme social et une poursuite de sa politique de la terre brûlée en matière de suppression des logements précaires et de nettoyage des détresses sociales font craindre le pire. Il est facile de faire de groupes en danger des populations dangereuses, par retournement; il est plus compliqué de traiter de logement, de social, de consolider une fiscalité saine, qui sont les véritables gages d’une société apaisée disposant d’un contenant social solide, capable, par sa cohésion, de résister aux effractions, bien plus souvent commises de l’intérieur que de l’extérieur, par ceux qui soufflent sur les braises et jouent avec le mendiant rom comme d’un écran de fumée.

* Conseiller municipal socialiste, Ville de Genève.

Opinions Agora Sylvain Thévoz

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