Contrechamp

L’égalité sur le papier ne suffit plus!

TRAVAIL • Liste des revendications syndicales en matière d’égalité.

Les discriminations faites aux femmes demeurent dans tous les domaines et en particulier au travail. Les femmes en ont assez des listes d’attente pour une place en crèche, des emplois précaires, des temps partiels contraints, des retraites minables, du harcèlement sexuel et du plafond de verre. Dans toute la Suisse, les syndicats appellent femmes et hommes à se mobiliser le 14 juin 2011.

Bien que le principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale soit inscrit dans la Constitution fédérale depuis le 14 juin 1981, l’égalité des salaires entre femmes et hommes est encore loin d’être acquise. Trente ans après, les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes et, ces dernières années, les écarts se creusent à nouveau. Une récente étude du BASS1 révèle qu’au terme de sa carrière, une femme aura gagné en moyenne 379 000 francs de moins qu’un homme. Les syndicats se battent pour des systèmes salariaux transparents et s’opposent au salaire au mérite.

En vigueur depuis 1986, la loi sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg) ne suffit pas à éradiquer les discriminations salariales. Par peur du licenciement et du chômage, les procédures devant les tribunaux sont rares. Faire reconnaître un harcèlement sexuel ou une discrimination à l’embauche s’avère très difficile. Traiter la discrimination au cas par cas est insuffisant. Les syndicats veulent doter les autorités publiques de compétences d’investigation et d’intervention dans les entreprises pour faire appliquer la loi.

400 000 personnes en Suisse gagnent moins de 4000 francs par mois et 70% d’entre elles – soit environ 300 000 – sont des femmes! Les branches pratiquant des bas salaires sont aussi celles où les femmes sont les plus représentées, comme la vente, les soins, l’hôtellerie-restauration, la coiffure, l’économie domestique, etc. Le salaire des femmes n’est pas un salaire d’appoint, il garantit leur indépendance économique. Trop de familles monoparentales doivent s’adresser à l’assistance publique. A Genève, les conditions de travail et de salaire dans les secteurs très féminisés sont menacées. Les employeurs ont notamment dénoncé la convention collective de travail (CCT) des assistantes dentaires en 2006, la CCT des assistantes médicales en 2008, la CCT de la vente en 2010. Les accueillantes familiales gagnent toujours 4 à 5 francs de l’heure/enfant. L’initiative syndicale pour instaurer un salaire minimum légal à 4000 francs permettra de lutter efficacement contre les inégalités salariales et les très bas salaires.

Si la participation des femmes à la vie active a considérablement augmenté au fil des années, 79% d’entre elles choisissent toujours un travail à temps partiel car elles assument l’essentiel du travail gratuit. Le partage inéquitable des tâches éducatives, domestiques et de soins entre femmes et hommes provoque des interruptions de carrière, cantonnent les femmes dans les formes les plus précaires d’emploi (travail sur appel, travail temporaire, temps partiel contraint, contrats à durée déterminée, notamment). Elles ont donc de moins bonnes conditions de travail, de possibilité de formation continue et d’expérience. Si les femmes disposent d’une meilleure formation qu’auparavant, elles se heurtent encore au «plafond de verre». Les syndicats luttent pour une politique active de promotion des femmes dans tous les métiers et à tous les niveaux de responsabilité. Ils s’opposent au travail sur appel et veulent soumettre le travail temporaire aux conditions de travail des emplois fixes.
Avec une durée moyenne du travail de 43,9 heures par semaine, la Suisse dépasse nettement la moyenne des Etats européens. La durée du travail est non seulement excessive mais la flexibilité caractérise aussi les horaires de travail (périodes imprévisibles). Il est ainsi plus difficile pour les salarié-e-s ayant charge de famille, des salariées dans la majorité des cas, de travailler à plein temps. Une durée excessive de travail réduit la vie familiale de nombreux hommes à quelques heures le soir et en fin de semaine. Elle bétonne ainsi la division traditionnelle des rôles. Les syndicats revendiquent une baisse du temps de travail professionnel, sans réduction de salaire, pour toutes et tous. Mais aussi des horaires prévisibles et compatibles avec des obligations familiales.

Le parcours professionnel atypique des femmes les pénalise dans leur droit à une retraite décente. Les assurances sociales sont toujours sources de nombreuses discriminations, car elles sont encore conçues sur le modèle «masculin» d’un travail professionnel à plein temps sans interruption de carrière, ce qui plonge nombre de femmes dans la pauvreté et la dépendance économique. 28% des femmes activent ne disposent d’aucune prévoyance professionnelle car leur salaire est trop bas. Si l’on tient compte des femmes sans activité professionnelle, une sur deux n’a pas de deuxième pilier. Le nombre élevé de divorces et une prévoyance professionnelle basée sur un système de capitalisation contraignent de nombreuses femmes à poursuivre une activité professionnelle au-delà de l’âge légal de la retraite. Les syndicats veulent une révision de l’AVS non discriminante pour les femmes et une redéfinition de la prévoyance professionnelle, sur le modèle de la répartition et de la solidarité, pour garantir des rentes permettant une vie digne pour toutes et tous.

Une grossesse est souvent source de pression de la part des employeurs et cause de licenciement au retour du congé maternité. Les congés, pourtant prévus par la loi sur le travail pour soigner les enfants et les proches dépendants, sont rarement accordés aux femmes et pratiquement jamais sollicités par les hommes. Lors d’une naissance, le congé paternité ne dépasse guère que quelques jours. L’initiative parlementaire genevoise, pour permettre aux cantons d’introduire un congé parental de 24 semaines, vient d’être refusée en mars dernier par les Chambres fédérales. Les syndicats préconisent, sur le modèle de l’assurance maternité, l’instauration d’un véritable congé parental rémunéré à partager obligatoirement entre le père et la mère, ce qui évite des interruptions pénalisantes de carrière.

La pénurie de crèches, l’insuffisance de structures de jour et de soins à domicile pour la prise en charge des personnes âgées ou dépendantes, des horaires scolaires inadaptés, révèlent des choix politiques en contradiction flagrante avec les besoins de la population. Les réponses néo-libérales apportées à la crise économique et financière frappent plus durement les femmes et sont facteurs d’inégalités lorsqu’elles démantèlent les services publics, empêchent la création d’emplois utiles et le développement d’infrastructures essentielles, comme la création en suffisance de crèches de qualité.

La globalisation de l’économie et les conflits entraînent un accroissement de la pauvreté et poussent de nombreuses femmes à la migration. Doublement discriminées, en tant que femmes et étrangères, les migrantes occupent souvent les postes les moins qualifiés et les plus mal payés. Des dizaines de milliers de femmes sans statut légal, vivant de graves conditions d’exploitation, comblent une partie des besoins sociaux de la population en Suisse, qui ne sont pas assurés autrement. La plupart travaillent dans les ménages privés, assument le travail domestique et les soins aux personnes âgées et aux enfants. Les syndicats réclament la régularisation collective des personnes sans statut légal et une amélioration du contrat type de l’économie domestique.
  

 Valérie Buchs, secrétaire syndicale, Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT)

1 Analyse comparative entre les salaires des femmes et des hommes sur la base des données de l’Enquête sur la structure des salaires 2008, Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale (BASS), octobre 2010. Le BASS est un institut de recherche privé et indépendant, ndlr.

Opinions Contrechamp Valérie Buchs (syndicat SIT)

Dossier Complet

Mobilisations du 14 juin

mercredi 15 juin 2011

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