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Le Roi est mort

Le Roi est mort
Michael Jackson danse sur la scène du stade olympique Munich le 27 juin 1999. KEYSTONE ARCHIVES
Carnet noir

Le séisme est planétaire. De la Chine au Mozambique, des Emirats arabes au Costa Rica, de la Finlande aux Etats-Unis, la disparition de Michael Jackson plonge des millions de personnes – peut-être plus – dans la stupeur et la tristesse. Il est rare qu’un personnage public fasse une telle unanimité. Pourquoi? Parce que Michael Jackson était un grand chanteur, un immense danseur et un fabuleux communicateur de joie et d’énergie. Au sommet de son art, dans les années quatre-vingt, il est la première popstar globale, écoutée et adulée par-delà les murs et le brouillage des ondes. Sa maîtrise de l’image – du look au vidéoclip – en fait un précurseur imité par tous les autres, de Madonna à Beyoncé, en passant par Britney Spears et Justin Timberlake. Aujourd’hui, le sentiment de perte est immense. «Michael» est tout simplement irremplaçable.

Ce qui frappe, c’est l’affection que ses fans n’ont jamais cessé de lui témoigner, malgré la disgrâce dans laquelle il était tombé depuis une quinzaine d’années, quand ses frasques ont pris le pas sur sa carrière. Michael Jackson devait remonter sur scène cet été à Londres, et l’attente était grande, la pression forte. Trop, sans doute, pour ce perfectionniste hypocondriaque doublé d’un hypersensible, obligé de se protéger du monde extérieur tout en se projetant vers lui.

C’est tout le paradoxe de l’Artiste, plus criant encore chez lui que chez tout autre. Star à 10 ans, mégastar à 20, le King of Pop et inventeur du «moonwalk» devient une icône extraterrestre, en proie à d’étranges mutations, surnommé Bambi, puis… «Wacko Jacko» – Jacko le timbré! Comme tous les grands artistes tourmentés, Michael Jackson se sublimait dans son travail, tout en livrant quelques clés de son mal-être dans ses chansons: le clip de «Thriller» le montre en zombie; dans «Bad», il s’emploie à nous convaincre combien il est mauvais; dans «Man in the Mirror», il se confronte à son double en lui intimant de «changer ses manières». Difficile de ne pas songer aux controverses liées à sa vie privée et à ses rapports ambigus avec les enfants, qui lui vaudront d’interminables procédures et plusieurs procès.

Quelle image faut-il retenir? Celle du petit prodige des Jackson5, drillé par un père abusif mais souriant et dansant comme un diablotin aux côtés de ses frères, sur les plateaux de télé? Celle de l’artiste accompli en solo, mais dont la vie privée n’était qu’une succession de mariages arrangés et d’opérations chirurgicales plus ou moins réussies?

Doué d’un sens musical et rythmique inné, d’un style immédiatement reconnaissable et maintes fois copié, l’artiste âgé de 50 ans s’est peut-être épargné une ultime humiliation publique, en faussant compagnie aux centaines de milliers d’acquéreurs de tickets pour cet improbable come-back londonien. Maigre consolation pour la planète Jackson.

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