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Quand Twitter brise le silence des médias

INTERNET – L'affaire des 134 milliards de dollars en bons du trésor américain saisis à la douane italienne a émergé grâce à Twitter. Récit d'un sauvetage médiatique.

Le 4 juin dernier, les douanes italiennes publiaient un communiqué indiquant que deux Japonais avaient été interpellés à la frontière italo-suisse avec une valise contenant plus de 134 milliards de dollars en bons du trésor américain, soit l’équivalent près du quart du produit national brut de la Suisse ou de dix fois la somme déboursée pour tenter de sauver l’industrie automobile américaine. A l’heure actuelle, les titres sont en train d’être authentifiés.

Qu’il s’agisse de faux bons du trésor ou non, l’affaire n’en demeure pas moins vraie. Au pire, c’est un immense détournement de fonds. Au mieux une gigantesque tentative d’escroquerie. En pleine crise financière et dans le sillage des affaires Kerviel et Madoff, la nouvelle aurait dû immédiatement faire le tour du monde et les gros titres. Curieusement, à l’ère d’internet et de l’information instantanée, il a fallu près d’une semaine pour que les journalistes s’emparent de l’affaire. Ce retard pose une question cruciale: face à la déferlante d’info que les médias traditionnels se disputent avec la Toile, qui décide de l’actualité et hiérarchise l’information?

Du blog au flux RSS

Dans l’intervalle, à l’exception du Corriere del Ticino et de deux journaux italiens, il n’y a eu aucune mention de cette saisie dans la presse internationale. S’il est difficile d’expliquer les raisons de ce silence, il est facile de comprendre pourquoi les médias ont par la suite publié cette nouvelle. Ce sont les internautes qui ont propulsé cette information sur le devant de la scène médiatique. D’abord isolés, certains ont commenté la nouvelle publiée sur le site d’un journal italien, Il Giornale: «Ni les télévisions, ni les journaux étrangers ne reprennent cette histoire».

Le 8 juin, un blogueur français, sous le pseudo «adscriptum», vivant dans la Péninsule relate l’histoire sur son site en mettant un lien sur le communiqué de presse des douanes italiennes. C’est ensuite grâce au flux RSS de ce blog, que la nouvelle commence à se propager. Ces flux que l’on trouve sur la plupart des sites web – symbolisés par trois ondes oranges – sont comparables à des radios ou des chaînes de télévision. On peut s’y abonner librement et les consulter à travers un logiciel qui les regroupe sur une même page.

Ainsi, en fonction de ses propres intérêts, il est possible de suivre en même temps des titres publiés par Le Monde, la TSR, le New York Times, mais aussi simultanément les billets publiés sur un blog ou … les trucs et astuces pour bien élever son chien. C’est par ce moyen qu’un lecteur a relevé l’article du blog «adscriptum» concernant les 134 milliards de dollars. A ce stade, la configuration reste traditionnelle: un lecteur passif et isolé ingurgite une nouvelle. Comment diffuser plus largement cette information ? En la publiant dans un réseau social sur internet, le lecteur passif devient producteur ou du moins diffuseur. C’est exactement ce qu’ont fait quelques lecteurs du blog «adscriptum» en envoyant la nouvelle sur le site Twitter, et ce dès le 9 juin dernier.

Masse critique de l’info

Ce site permet de s’adresser à des millions de personnes simultanément et, réciproquement, de lire leurs messages. A première vue, un brouhaha incompréhensible. En pratique, un formidable moyen de communication à disposition de tous. Après quelques jours, certains visiteurs ont ainsi retransmis le récit des 134 milliards de dollars à leurs contacts sur Twitter, qui l’ont eux-mêmes fait suivre. Ainsi, le son inaudible est devenu murmure, puis cri.

Le 11 juin, l’information atteint alors une masse critique: le journal économique l’Expansion et la chaîne de télévision LCI, eux-mêmes présents sur Twitter, relayent la nouvelle et la publient sur leur site web. Les autres médias suivent… Mais malheureusement, ils reprennent l’information, sans fournir dans la plupart des cas d’explications ni d’analyses sur les implications politiques et économiques de cette affaire, se désole le bloggeur «adscriptum».