Contrechamp

UN COEUR POUR LES RICHES?

Daniela Cerqui revient sur la mise au point l’année dernière en France d’un coeur artificiel miniature. «Ce n’est pas une nouveauté à proprement parler car les médecins disposent de coeurs artificiels depuis longtemps. Avant, ils étaient gros et externes à l’organisme. Ils prenaient par exemple le relais du coeur humain lors d’opérations. Cette fois-ci, les chercheurs ont réussi une prouesse d’un autre ordre: le coeur artificiel est devenu implantable. La différence est de taille: on entre dans l’organisme. Scientifiquement, la réussite est totale. L’argumentaire qui l’accompagne me semble plus problématique. Dans une vidéo sur internet, le médecin qui a réalisé ce coeur artificiel au design aguicheur disserte sur la portée de sa découverte. Tout le monde sera d’accord avec le premier point développé. Le coeur artificiel est là pour remédier à la pénurie des dons d’organes. Puis, presque imperceptiblement, son discours s’oriente vers quelque chose de plus inquiétant. Ce ne sont plus seulement les personnes en attente d’une transplantation qui sont visées, mais toutes celles qui pourraient potentiellement bénéficier d’un coeur artificiel, pour remédier à un problème cardiaque d’importance secondaire, voire pour améliorer leurs performances. Une solution thérapeutique entre ainsi dans le champ de la médecine préventive ou améliorative. Ce glissement tend implicitement à créer un besoin par le truchement d’un organe artificiel. En partant du principe que l’on souhaite traiter de manière préventive tous les cas à risque, imaginez le nombre de prothèses cardiaques qu’il faudrait implanter! Des problèmes gigantesques surviendraient. Nous «fabriquerions» des humains destinés à vivre de plus en plus longtemps et en meilleure santé, mais sans bâtir le système qui devrait accompagner ces nouvelles possibilités de vie. Même si cela peu paraître trivial, ces coeurs artificiels auraient un coût financier qui ne serait pas supportable pour l’ensemble de la collectivité. Avant toute considération éthique ou philosophique, le premier point qui me pose problème est donc sociétal. Seuls les plus riches pourront accéder à ces nouvelles technologies.» I

Opinions Contrechamp Nrn

Connexion