Édito

Où est Charlie?

Guillaume Meurice licencié par Radio France
«Bravo à Pascal Praud, Marine Le Pen, Eric Zemmour, Elisabeth Lévy, Delphine Horvilleur... etc. Cette victoire, c’est aussi la vôtre!» Guillaume Meurice accueille d’une boutade la nouvelle de son éviction. MAGALI RUELLAND
France

Mardi, l’humoriste Guillaume Meurice a été licencié «pour faute grave» par Radio France, longtemps une référence en matière de liberté de ton et d’indépendance éditoriale. Blanchi par la justice, il a en revanche été désavoué par sa hiérarchie après avoir qualifié de «sorte de nazi, mais sans prépuce» Benjamin Netanyahu, dont l’armée commet un génocide en temps réel, sous nos yeux, avec une complicité qui couvrira de honte nos démocraties pour toujours.

Au même moment, dans le débat public, on peut impunément nier la réalité de ces crimes, déverser des propos racistes et islamophobes sur les antennes à longueur de journée (chez CNews, au hasard) ou manifester aux côtés d’Eric Zemmour et Marine Le Pen. Avec la perspective désormais très concrète de voir cette même extrême droite accéder au pouvoir.

Comment en est-on arrivé là? Depuis les élections européennes de dimanche, et la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, les dernières digues cèdent. Il faut se pincer pour ne pas croire à un cauchemar. Politique du coup de poker et reprise en main autoritaire: la Macronie ultralibérale en déconfiture, marchepied du fascisme qui vient, entraîne dans sa chute la liberté d’expression si chère à la République du Canard enchaîné, d’Hara-Kiri, de Coluche, de Charlie Hebdo et des Guignols de l’info.

«Bravo à Pascal Praud, Marine Le Pen, Eric Zemmour, Elisabeth Lévy, Delphine Horvilleur… etc. Cette victoire, c’est aussi la vôtre!» Guillaume Meurice accueille d’une boutade la nouvelle de son éviction. Sacrifié sur l’autel de la droitisation et d’un alignement sur la propagande impérialiste – étasunienne, israélienne – et ses relais hexagonaux. En signe de solidarité, l’humoriste Aymeric Lompret, la chanteuse GiedRé et la linguiste Laélia Véron annoncent leur démission de France Inter (Djamil Le Shlag, lui, avait pris les devants en direct, à l’antenne, le 5 mai). Du Grand Dimanche soir, il ne reste plus grand-chose. L’émission de Charline Vanhoenacker faisait office de bouffée d’oxygène dans une France étouffante, anxiogène. Déjà recalée en hebdomadaire, elle voit son équipe réduite à peau de chagrin, sa vocation satirique vidée de son sens. Que penser des proclamations de Sibyle Veil, présidente de Radio France, pour qui «ni la liberté d’expression ni l’humour n’ont jamais été menacés»?

Le journaliste Alain Gresh, spécialiste du Moyen-Orient, aime raconter cette anecdote: un ami journaliste soviétique, en visite dans les rédactions étasuniennes, s’était exclamé: «C’est extraordinaire. Chez vous il n’y a pas de censure, mais tout le monde pense pareil.» Le limogeage de Guillaume Meurice est bien le signe inquiétant d’une tolérance zéro pour les voix discordantes.

Opinions Édito Roderic Mounir France Médias Liberté d’expression Israël-Palestine 

Autour de l'article

Connexion