Un moine bâtard et voleur, un singe forgeron, une retraitée. Voilà des personnages qu’on verrait mal coexister au sein d’un récit. C’est pourtant ce que nous propose Corinne Badoux, auteure romande, dans Gerbert d’Archambault bâtard, moine et voleur. Au XIIIe siècle, après maintes péripéties qui l’auront vu passer du statut de religieux aux origines secrètes à celui de voleur, Gerbert se retrouve malgré lui dans un village du nord de la France. Afin de retrouver une paix intérieure, le moine défroqué met ses nombreuses compétences au service des habitant·es de la bourgade et participe à l’édification de l’abbaye Saint-Colomban de Luxeuil, illustrant ainsi la manière dont le monde intérieur d’un individu peut influencer et marquer de son empreinte le «grand» monde.
Or dans ce même village, sept siècles plus tard, une médiéviste retraitée, secondée par un compagnon tailleur de pierre et un franc-maçon, découvre l’héritage du moine dans un coffret fabriqué par un forgeron ressemblant étonnamment à un singe. Elle tente alors de remonter la piste laissée par Gerbert.
Corinne Badoux fait le choix audacieux de mener son récit sur deux temporalités distinctes – l’une contemporaine et l’autre au XIIIe siècle – qui s’entremêlent pour tisser les fils d’une intrigante enquête archéologique entre le nord de la France et Lausanne. Le style sobre au vocabulaire sérieux entrecoupé de moments plus légers nous permet de profiter d’un récit rythmé et entraînant. Cette fiction restitue ainsi avec brio la réalité d’une enquête historique et ses difficultés sans que cela se fasse au détriment de l’histoire de Gerbert et de sa quête de rédemption.