Édito

C’était mieux avec la soupe

C’était mieux avec la soupe
Miriam Cahn fait-elle l’apologie de la violence et du viol? L’accusation est aussi impensable que totalement ridicule. KEYSTONE
France

Après l’attentat au potage, voilà l’attaque à la peinture. Malheureusement, l’œuvre de Miriam Cahn ciblée dimanche au Palais de Tokyo parisien n’était pas protégée par une vitre, contrairement aux pièces visées ces derniers mois par des activistes du climat. Au cœur d’une polémique depuis février, le tableau Fuck Abstraction! continuera d’être visible, désormais avec les traces mauves de la déprédation, informe le centre d’art. Il annonce déposer plainte pour dommages à la propriété et entrave à la liberté d’expression.

Agressée par un individu fâché contre la «mise en scène sexuelle d’un enfant et d’un adulte», selon une source de l’AFP, l’œuvre montre un homme musclé forcer une personne frêle à lui faire une fellation. Plusieurs organisations de défense des enfants avaient crié à la pédocriminalité après l’ouverture de l’exposition: à leurs yeux, la victime est mineure. Ce que conteste l’artiste, qui précise avoir voulu représenter le viol en tant qu’arme de guerre et de crime contre l’humanité. Les demandes de décrochage de la peinture ont été déboutées par le Tribunal administratif de Paris et le Conseil d’Etat.

Artiste mondialement connue et reconnue, plasticienne majeure de notre époque, la septuagénaire Miriam Cahn emploie fusain ou peinture pour raconter l’humanité telle qu’elle la perçoit. Or comme on peut le voir dans la grande rétrospective du Palais de Tokyo, ce monde n’est pas toujours rose, malgré des tons parfois pastel. L’artiste fait-elle l’apologie de la violence et du viol? L’accusation est aussi impensable que totalement ridicule, même si on ne connaît pas la Bâloise et sa démarche. Mais voilà, sans le corpus dont elle est issue, l’œuvre dépend entièrement des descriptions formulées par celles et ceux qui diffusent ses contours crus sur les réseaux sociaux. De tristes Croisé·es souvent à la droite de la droite, peut-être ravi·es de crucifier au passage une artiste femme et juive; et de prendre leur revanche sur un art contemporain comme d’habitude «dégénéré».

Quand bien même c’est le réalisme de l’œuvre qui a échauffé l’iconoclaste, ce dernier a maculé la pièce d’éclaboussures totalement abstraites. Plutôt ironique pour une peinture qui crie Fuck Abstraction! 

Opinions Édito Samuel Schellenberg France

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