Édito

Prendre le marché par les cornes

Prendre le marché par les cornes
KEYSTONE/Gaetan Bally
Médicaments

Depuis trois ans, la pénurie semble devenir la norme. Après les masques et l’essence, des ruptures paralysent l’approvisionnement de médicaments. La pandémie de Covid et la guerre en Ukraine sont sans doute des catalyseurs importants, mais il serait trop court de les désigner comme seules responsables.

Une étude de l’université de Bâle publiée en 2022 révèle que l’approvisionnement en Suisse – pourtant un haut lieu de l’industrie pharmaceutique – subit des interruptions régulières depuis au moins 2015. Une concentration toujours plus importante de la production en Chine et en Inde en est une cause. Ces deux pays fabriquent à eux seuls environ 85% des substances actives vendues en Europe.

Une stratégie économiquement juteuse, mais surtout très dangereuse: en cas de pépin à un point de la chaîne, des pans entiers de l’apport sombrent. Sans oublier que l’industrie fonctionne à flux tendu. L’offre excède rarement la demande sur le marché et ce, afin de réduire les coûts de production et maintenir des prix de vente élevés. Cela veut aussi dire que les stocks sont négligeables en cas de besoin.

De toute évidence, les premières victimes de ce château de carte libéral sont les patient·es, contraint·es d’opter pour des traitements alternatifs souvent moins adaptés et non remboursés. D’autres doivent simplement renoncer à certaines substances, retirées du marché car moins rentables.

Au vu de la situation, certain·es prônent la «relocalisation» de l’industrie, démarche qui réduirait certes la forte dépendance actuelle. Mais le processus est extrêmement laborieux et pourrait à terme faire grimper les prix de manière encore plus importante. D’autant plus que rapatrier la production de médicaments ne résoudrait que partiellement le problème. Tant qu’un secteur de l’industrie aussi vital opérera dans la sphère du capital, l’intérêt public passera après le profit.

En attendant, des discussions sont en cours en commission parlementaire européenne pour imposer davantage d’obligations sur l’approvisionnement des géants pharmaceutiques, exiger des notifications plus rapides de pénuries et une transparence accrue des stocks. Espérons que la Suisse en prenne exemple.

Opinions Édito Louis Viladent Médicaments

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