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Le droit au plaisir pour les femmes de plus de 50 ans

Les écrans au prisme du genre

Mes rendez-vous avec Léo1>Mes rendez-vous avec Léo, film de Sophie Hyde, avec Emma Thompson et Daryl McCormack.. Voilà typiquement un projet féministe: il s’agit d’aborder avec autant d’empathie que d’humour la question de la sexualité des femmes d’âge mûr, dans le contexte d’une société qui ne les perçoit plus que comme mère et grand-mère quand elles ont passé la cinquantaine.

Emma Thompson met tout son talent au service de cette entreprise à laquelle elle a été associée dès le départ. Le dispositif est volontairement minimal: une chambre d’hôtel au luxe sobre, ouverte sur la lumière du jour. Deux personnages se rencontrent pour des rendez-vous tarifés: celle qui se fait appeler Nancy, professeur d’éducation religieuse à la retraite (voilà qui est délicieusement exotique pour nous autres usagers de l’école laïque), veuve depuis deux ans, mère de deux enfants adultes, a fini par se décider à louer les services d’un travailleur sexuel pour accéder à l’orgasme qu’elle n’a jamais connu…

Le jeune homme qui se présente, sous le nom de Léo Grande (incarné par Daryl McCormack qui mérite à lui tout seul le détour, par sa beauté et par son jeu plein de douceur souriante), a pour mission de lui procurer du plaisir physique, mais d’abord de la mettre en confiance, alors que ce rendez-vous représente le summum de la transgression pour cette femme «convenable».

On sourit et on rit souvent: les dialogues sont ciselés de façon à éviter toute vulgarité tout en appelant un chat un chat… Et les scènes s’arrêtent au bon moment pour ne pas tomber dans le porno soft. Leurs échanges sont nourris de leur vécu mais aussi des limites que chacun·e met à leur intimité, compte tenu du contrat de départ.

Le scénario est construit sur la succession des quatre rendez-vous qui vont constituer l’histoire de leur rencontre. La réalisatrice dit avoir rencontré beaucoup de travailleurs sexuels pour documenter son film. Elle en donne une vision quelque peu angélique – à plusieurs reprises, Nancy commente les témoignages de Léo par ce constat: «ça devrait être un service public»! (Remarque qu’on entend aussi pour les travailleuses du sexe, notamment pour les personnes handicapées.)

En regardant le film en tant que femme, je me disais que dans le régime de domination masculine et patriarcale où nous vivons (encore), le fait de payer un homme pour avoir des rapports sexuels satisfaisants est sans doute un recours à ne pas négliger alors que, dans l’autre sens, le fait pour un homme de payer une femme pour des rapports sexuels ne fait que rajouter de la domination, comme en témoignent les violences auxquelles sont soumises les prostituées. Beaucoup de récits montrent que les hommes considèrent qu’ils n’ont pas besoin du consentement d’une prostituée pour lui imposer n’importe quelle pratique sexuelle, alors qu’ils sont obligés de tenir compte dans une certaine mesure du consentement de leur partenaire régulière.

Le soin que prend Léo pour amener Nancy très progressivement à éprouver du plaisir physique est un rêve pour toute femme qui a vécu plus souvent qu’à son tour le sexe à la hussarde plus ou moins assorti de consentement… Pour autant, cela pose-t-il à nouveaux frais la question de la légalisation du travail sexuel?

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Geneviève Selleir est historienne du cinéma, www.genre-ecran.net

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