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En Afrique, la Chine mène la guerre de la communication

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

«En ce mois d’octobre 2022, les Chinois et les Maliens suivront dans la ferveur et l’enthousiasme le 20e Congrès du Parti communiste chinois (PCC). La Chine et le Mali ont tous deux une longue histoire et une civilisation brillante en Asie et en Afrique; ils sont les descendants de grands empires et tous deux ont subi les affres des dominations coloniales.» Ces quelques extraits de Chine Magazine, un magazine en ligne financé par Pékin, illustrent la vaste campagne de communication menée par la Chine au Mali comme ailleurs sur le continent africain, à l’occasion du 20e Congrès du Parti communiste chinois; avec, à chaque fois, un discours adapté aux réalités du pays auquel il s’adresse.

Au Mali, un pays où la Russie a pris ses quartiers après le départ des Français, la Chine n’entend pas être en reste. Et vante à coups d’encarts dans la presse nationale l’«amitié sino-malienne» – qui est d’ailleurs le nom donné au pont qui traverse le fleuve Niger dans la capitale Bamako, entièrement financé par la Chine et inauguré en 2011. Tout en rappelant «les programmes d’ajustement structurels imposés aux pays africains par les puissances occidentales, qui ont sapé le progrès de l’économie du Mali, et brisé l’élan de développement imprimé par la coopération chinoise».

Si, en Afrique, certains dirigeants et une part non négligeable de la population apprécient un Vladimir Poutine qui défie l’arrogance occidentale, la Chine, elle, fascine avant tout par son formidable développement économique et industriel. Vue de pays où le chômage de masse et l’extrême pauvreté sont largement répandus, la réussite économique chinoise suscite respect et admiration. «La Chine est le plus grand des pays émergents et l’Afrique est le continent qui regroupe le plus de pays émergents, nous sommes donc faits pour nous entendre», ne manque jamais de rappeler Pékin dans sa communication à destination de l’Afrique, un discours rôdé, généralement bien perçu sur un continent dont les dirigeants apprécient par ailleurs que la Chine ne soit pas trop regardante en matière de gouvernance et de respect des droits humains.

Dans sa communication à l’occasion du 20e Congrès du PCC, la Chine n’a pas manqué de mettre l’accent sur les chantiers pharaoniques qu’elle a menés à bien partout en Afrique, avec la construction d’innombrables routes, ponts, voies ferrées, stades, habitations dont elle avait besoin. Dans la guerre de communication qui les oppose, les pays occidentaux, eux, tirent à boulets rouges sur Pékin, l’accusant d’enfermer l’Afrique dans un nouveau piège de la dette. Ce que l’Europe et l’Amérique du Nord ont elles-mêmes fait durant des décennies, relève-t-on sur le continent où l’on revendique le droit de diversifier ses partenaires.

Reste que lors du dernier Forum sur la coopération sino-africaine en novembre 2021 à Dakar, des voix africaines s’étaient élevées pour exprimer une certaine frustration à l’égard des promesses non tenues de la coopération sino-africaine, avec des échanges commerciaux déséquilibrés, un droit du travail et de l’environnement pas toujours respectés, l’accaparement de terres; et la crainte qu’en cas de difficultés à rembourser les prêts, la Chine fasse main basse sur les infrastructures qu’elle a financées. Le site d’information burkinabè Wakat Séra met en tout cas en garde contre le risque pour l’Afrique de «garder le statut d’asservi», craignant «qu’une fois de plus, le continent noir ne se limite à son sport favori: tendre la sébile». Face au sentiment anti-occidental qui se développe dans plusieurs pays africains, Wakat Séra pose la question: «A quoi aura donc servi d’abandonner un maître pour se mettre sous la coupe d’un nouveau maître?»

Catherine Morand est journaliste

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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