Édito

Les cantons passent à la caisse

Les cantons passent à la caisse
La loi sur l’asile permet à la Confédération de suspendre le versement des subventions dans le cadre de l’asile si les renvois ne sont pas exécutés. KEYSTONE
Asile

Depuis octobre 2016, la Confédération sanctionne les cantons qui rechignent à exécuter les renvois Dublin. Le Secrétariat d’Etat aux migration (SEM) joue sévèrement du bâton afin que la Suisse continue d’être l’un des Etats appliquant le plus strictement des transferts vers d’autres Etats. Et peu importe si des familles sont déchirées, si des traitements médicaux sont suspendus ou si les personnes déboutées tentent de se donner la mort en cours de voyage. Si l’on veut faire preuve d’humanité, il faut passer à la caisse.

Neuchâtel en a fait les frais en renonçant à expulser vers la Bulgarie un Turc qui avait tenté de se suicider à deux reprises. Il a également refusé de transférer un Erythréen vers l’Italie car sa compagne était sur le point d’accoucher. Le délai Dublin échu, la Suisse a été obligée d’examiner leurs deux demandes d’asile et leur a accordé le statut de réfugié. Preuve que leur demande de protection était belle et bien fondée et ce système d’une sinistre absurdité.

Par mesure de rétorsion, la Confédération ne verse plus un centime pour ces personnes: le canton couvre seul leur prise en charge. D’après nos estimations, la facture dépasserait les 100’000 francs par cas. Neuchâtel n’est pas le seul canton dans cette situation: d’après le SEM, les subventions ont été coupées dans plus de 400 cas depuis près de cinq ans. Pour Vaud, le canton le plus sanctionné, la facture entre 2017 et 2020 s’élèverait à plus de 11 millions.

Neuchâtel a protesté contre ces sanctions. Le canton demande une marge d’appréciation et de ne pas être tenu d’exécuter aveuglément les renvois ordonnés par le SEM. Il fait écho aux ONG qui dénoncent depuis des années les drames engendrés par l’application du Règlement Dublin et demandent en vain une répartition plus équitable des personnes réfugiées. Le Tribunal administratif fédéral a pourtant donné tort à Neuchâtel. Le Conseil d’Etat doit décider s’il veut aller jusqu’au Tribunal fédéral pour défendre le droit d’exercer un peu d’humanité. L’affaire est cruciale. Si elle s’arrête là, seuls les cantons les plus riches auront les moyens de refuser d’être les cruels pantins de Berne..

Opinions Édito Julie Jeannet Asile

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