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«Mali, l’Afrique te regarde!»

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Sur le continent africain, et plus particulièrement dans les ex-colonies françaises, ce qui se passe actuellement au Mali est scruté avec beaucoup d’attention – beaucoup d’espoir aussi. Et les anathèmes dont ce pays fait régulièrement l’objet de la part de l’ancienne puissance coloniale irritent et scandalisent de nombreux acteurs de la société civile. Choqués par l’extrême sévérité des sanctions financières et économiques imposées au Mali par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) au début de l’année, ceux-ci avaient d’ailleurs aussitôt lancé un appel intitulé «Halte à l’agression du peuple malien en lutte!», soutenu par le réseau citoyen Afrikki qui leur sert de plateforme.

Les présidents des Etats d’Afrique de l’Ouest qui composent la Cédéao sont régulièrement qualifiés de «sous-préfets de la France» par celles et ceux, et ils sont nombreux, qui dénoncent la mainmise et l’arrogance françaises qui perdurent, laquelle, selon la formule consacrée, «empêche nos pays d’avancer». Les jeunes tout particulièrement cherchent désespérément des leaders faisant preuve de dignité et de suffisamment de courage pour dire «non» aux intérêts français dans leur pays, et «oui» à leur jeunesse et aux compétences ­nationales.

L’homme fort du Mali Assimi Goïta, qui ose tenir tête à Paris et défier la France, suscite pour l’heure une admiration certaine. Beaucoup sont connecté·es sur la chaîne Voxafrica, qui fait la part belle à l’actualité malienne. «Mali, l’Afrique te regarde!», lance la responsable d’une ONG au Bénin, qui préfère garder l’anonymat. Selon elle, les espoirs de nombreux et nombreuses Africain·es résident dans ce pays au passé glorieux, qui tente une nouvelle voie. L’appel à l’aide à la Russie pour neutraliser les djihadistes se justifie, selon elle, par le fait que la France, malgré sa force de frappe et des années d’«occupation», n’a toujours rien résolu. «Il faut qu’ils partent», assène-t-elle. Un discours qui résonne un peu ­partout en Afrique de l’Ouest.

Le président français Emmanuel Macron, très en colère après que le Mali a décidé de suspendre la diffusion de France24 et de Radio France internationale (RFI) sur son territoire, a demandé au président de la Cédéao de prendre des mesures à l’encontre du pays. Se rend-il compte qu’il apporte ainsi de l’eau au moulin de celles et ceux qui pensent que c’est lui qui donne des ordres? En Afrique francophone et ailleurs, ils furent nombreux à ricaner de l’attitude jugée outrancière de Macron, alors que l’Union européenne qu’il préside avait peu de temps auparavant décrété l’interdiction des médias russes RT et Sputnik sur son sol, considérés comme «de puissants relais de propagande».

Le 24 mars dernier, les autorités maliennes de transition, qui n’ont cessé de dénoncer les sanctions «illégales» et «inhumaines» dont leur pays fait l’objet, avaient cru à une embellie: la Cour de Justice de l’Uemoa, l’Union économique et monétaire ouest-africaine, avait demandé la suspension des sanctions, estimant leur effet «gravement préjudiciable» non seulement à l’Etat malien, mais aux Malien·nes mêmes. Las, le lendemain, un nouveau sommet extraordinaire de la Cédéao confirmait les sanctions. Sans pour autant adopter une attitude aussi dure à l’égard de la Guinée et du Burkina Faso, qui ont également connu des coups d’Etat au cours de ces derniers mois. Beaucoup y ont vu une nouvelle fois la main de la France, qui pèserait de tout son poids pour que le Mali rentre dans le rang.

Catherine Morand est journaliste.

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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