J’ai beaucoup apprécié la lettre de Shirin Haram parue le 22 mars concernant la féminisation des noms de rues en substituant à, notamment, des lieux-dits, des noms de femmes de lettres totalement inconnues.

Selon la loi où le règlement: «Les noms de personnalités importantes décédées, en principe, depuis plus de dix ans et qui ont marqué de manière pérenne l’histoire de Genève, peuvent être proposés pour dénommer des rues (artères) et des objets topographiques.» Très bien, alors prenons deux exemples, tous deux situées aux Acacias.

Eugène Marziano y a sa rue. Qui c’est? Il a été député au Grand Conseil, comme des centaines d’autres, deux fois deuxième vice-président. Il a également été capitaine des pompiers de Carouge, sûrement pas très longtemps, puisqu’il est mort à l’âge de 53 ans. Voilà quelqu’un qui a marqué de manière pérenne l’histoire de Genève. De plus, capitaine des pompiers de Carouge, il a sa rue sur le territoire de la ville de Genève!

Non loin de là se situe la rue Pictet Thelusson, qui «rappelle la mémoire de ce militaire de carrière (1705-1786) au service du Roi de Sardaigne. Il fût, jusqu’en 1782, l’informateur officiel et régulier des souverains sardes pour les affaires genevoises et savoyardes». Pérennité, que de crimes on commet en ton nom … Sauf que… cette ruelle se situe à côté du siège de la banque Pictet et a donné son nom à l’arrêt de tram. Elle a pris son nom après l’établissement de la banque Pictet. Il serait peut-être intéressant de se demander comment la banque Pictet a obtenu cette faveur…

Mais la féminisation peut aboutir à des choses étonnantes. Il semble qu’il ait été proposé de remplacer la mention de Carl-Vogt par celle de Jeanne Hersch. Alors, certes, Carl-Vogt avait les défauts de son temps (comme Calvin, d’ailleurs) et était une personne politiquement peu recommandable, comme l’avait bien vu Karl Marx. Mais Jeanne Hersch, après avoir été socialiste, a été membre de l’organisation secrète anticommuniste P26 et était tellement adepte de la liberté académique qu’elle s’est battue corps et âme (mais sans succès), contre la nomination de Jean Ziegler comme professeur ordinaire de l’université de Genève…

Comprenne qui pourra!

Georges Tissot, Genève