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Coopérer plutôt que militariser

En matière de défense nationale helvétique, «il est bien plus nécessaire d’investir dans la collaboration internationale que dans la surenchère militaire», avance le conseiller national Raphaël Mahaim. Explications.
Suisse

Les esprits malins voient dans l’agression russe en Ukraine une occasion rêvée de donner un coup de pouce aux projets de (re)militarisation en Suisse: il faudrait ainsi «mieux se préparer à de nouvelles guerres conventionnelles». On relèvera d’emblée le caractère gênant, pour rester poli, de cette posture qui revient quasiment à se frotter les mains de la situation dramatique pour tenter de conforter une posture dogmatique. Le temps est d’abord à l’effort de solidarité envers la population ukrainienne.

C’est incontestablement un réflexe humain de survie de vouloir se défendre lorsque l’on est attaqué. Reste à savoir comment le faire au mieux. Dans l’Amérique profonde du lobby des armes, on incite chaque citoyen·ne à se doter d’une arme à feu pour se «protéger». Le résultat est connu: les statistiques du nombre de morts par balle y sont terrifiantes, car évidemment davantage d’armes en circulation signifie plus de risques qu’elles soient utilisées. Le réflexe de défense devient ainsi amplificateur du problème.

A supposer que la guerre éclate en Suisse, ce n’est pas le nombre de chars qui déterminera notre capacité à résister à un agresseur forcément plus gros que nous. C’est bien plutôt notre capacité à tisser des alliances et solliciter le soutien de nos voisins européens qui changera la donne. Le président ukrainien ne s’y est pas trompé, lui qui fait certes preuve d’un courage remarquable en demeurant sur le terrain avec ses troupes, mais qui consacre surtout ses jours et ses nuits à multiplier les contacts à l’international pour créer une vaste coalition de soutien.

Ceux-là même qui chantent les lendemains militarisés de notre pays sont les premiers à saper les efforts de collaboration avec nos voisins. J’ai nommé, au hasard, cette majorité irresponsable du Conseil fédéral qui n’a rien trouvé de plus malin que de faire un bras d’honneur à l’Union européenne en rompant sans préavis les négociations sur l’accord-cadre. C’était il y a moins d’une année. J’ai nommé aussi un certain parti gouvernemental qui fait déshonneur à la Suisse en refusant la semaine dernière, au Conseil national, de s’aligner sur les sanctions européennes à l’égard du Kremlin et des oligarques russes. Si un jour nous avons besoin d’aide, ces attitudes d’un autre âge pourraient avoir des conséquences littéralement dramatiques. Nous aurons beau appeler à l’aide, il n’y aura personne.

Isoler davantage la Suisse sur le plan européen est un acte autrement plus dangereux pour la sécurité intérieure que de renoncer à des dépenses supplémentaires en matière militaire. La guerre n’est pas une fatalité et il est bien plus nécessaire d’investir dans la collaboration internationale que dans la surenchère militaire, sans compter que la guerre demeure financée par les énergies fossiles dont il faut urgemment se passer. Ceux qui nous vantent une Suisse capable de se débrouiller seule nous vendent une chimère, aujourd’hui plus que jamais.

* Conseiller national Les Vert·es/VD.

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