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La pneumonie chez l’enfant, enjeu de santé mondiale un peu oublié

À votre santé!

Chaque année, plus de 22 millions de jeunes enfants de pays à revenu faible et intermédiaire sont atteints de pneumonie grave – une maladie qui tue plus que le paludisme, la rougeole et la diarrhée réunis, selon des données de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Elle affecte les enfants et les familles partout dans le monde, mais sa prévalence est la plus forte en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne.

Ces enfants peuvent être protégés par des interventions simples et être soignés par des médicaments et un apport d’oxygène. Néanmoins, chaque année, 4,2 millions d’enfants de moins de 5 ans dans 124 pays parmi les plus pauvres affichent des niveaux dangereusement faibles d’oxygène (hypoxémie).1>Selon une analyse récente de l’Unicef, de la Clinton Health Access Initiative (CHAI), de Save the Children et du Murdoch Children’s Research Institute; accès: uni.cf/3IKdWbB C’est dire combien l’oxygène – en général utilisé pendant quelques jours – peut participer à sauver des vies. Encore faut-il qu’il soit disponible et que, par ailleurs, l’agent de santé de premier niveau soit capable de détecter une hypoxémie. Ce sont deux écueils importants à affronter pour améliorer le pronostic des pneumonies de l’enfant.

Les pays pauvres étaient déjà confrontés à des déficits criants dans la distribution et l’approvisionnement d’oxygène avant même le déclenchement de la pandémie de Covid-19. Je me rappelle d’ailleurs combien, tout début 2020 dans le nord-est de la République démocratique du Congo, l’accès à un nombre suffisant de concentrateurs d’oxygène fournis par Médecins sans frontières et dont l’hôpital public régional était dépourvu a amélioré la prise en charge et le pronostic de nos petits patients malades.

Néanmoins, l’explosion des besoins provoquée par la pandémie a mis ces manques en lumière de manière criante. Sans compter que, dans beaucoup de pays où le système de santé publique est peu performant, les prix de l’oxygène se sont envolés. C’est une des conséquences négatives indirectes, peu documentée, de la pandémie sur les enfants.

De fait la bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de produire de l’oxygène local à un coût abordable. Alors que le monde entier a fourni des efforts nécessaires pour renforcer l’approvisionnement en oxygène afin de sauver des vies contre le Covid-19, ces traitements doivent atteindre les populations les plus difficiles d’accès, être gratuits pour tous et être durables; c’est une question d’équité. Si l’on se concentre uniquement sur des solutions à court terme, les enfants en sont de fait exclus, ce qui est un scandale absolu, mais hélas une réalité dans beaucoup de pays.
Une fois résolu l’accès à l’oxygénothérapie – et à mon avis seulement à ce moment-là –, il s’agit d’affiner son indication. Les agents de santé primaire sont en principe entraînés à reconnaître les signes cliniques de pneumonies graves: bien appliquée, cette méthode simple et éprouvée suffit à poser l’indication non seulement d’une antibiothérapie mais aussi de l’oxygénothérapie dans l’immense majorité des cas. Il y a donc un enjeu de formation réel.

Bien sûr, il existe des petits appareils relativement simples à manier qui mesurent le degré d’oxygène dans le sang: ils ont néanmoins un coût, exigent une maintenance, fonctionnent souvent à pile et sont aussi, hélas, des objets à obsolescence programmée. Dans ce sens-là, la conclusion d’un article publié récemment dans la prestigieuse revue médicale The Lancet2>«Prevalence of hypoxaemia in children with pneumonia in low-income and middle-income countries: a systematic review and meta-analysis», in Lancet Glob Health. 2022 Mar;10(3): pp 348-359; bit.ly/3HD6yxp, qui estime qu’il faut en faire un outil pour les agents de santé primaire, me parait erronée. En revanche, ils peuvent être utiles en milieu hospitalier pour le suivi de l’oxygénothérapie et représentent alors une vraie valeur ajoutée.

Mais il faut surtout rappeler que la prévention reste l’axe le plus important, pour la pneumonie aussi. Elle passe par la vaccination contre les deux bactéries les plus virulentes (pneumocoques et Haemophilus influenza type B), la promotion de l’allaitement exclusif au moins pendant six mois, le contrôle de la croissance staturo-pondérale et l’accès à une alimentation saine, l’amélioration de l’accès à l’eau potable et à un système d’élimination des déchets et des eaux usées, ainsi que la lutte contre la pollution de l’air à l’intérieur et l’extérieur de l’habitat.

La pandémie a fragilisé tous ces programmes de prévention et de promotion de santé infantile. C’est un sujet d’inquiétude majeure. C’est pourtant ainsi que l’on gagnera cette bataille, plus que par un gadget technique, pour bon qu’il soit!

Notes[+]

Bernard Borel est pédiatre FMH et conseiller communal à Aigle.

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lundi 8 janvier 2018

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