Chroniques

La crise Covid nous a-t-elle appris à mieux planifier la politique hospitalière?

À votre santé!

Depuis deux ans, nous vivons au rythme de l’épidémie provoquée par le Sars-Cov-2, avec ses variants successifs. Avec la première vague, en mars 2020, nous voyions les systèmes sanitaires de nos proches voisins exploser et le nôtre tenir le coup, au prix du confinement, de la fermeture de nombreux blocs opératoires et de l’abnégation des soignant·es – qu’on applaudissait d’ailleurs à 21 heures. Huit mois plus tard, en novembre 2020, l’arrivée de la deuxième vague a mis les hôpitaux sous une pression encore plus grande, avec un nombre de patient·es aux soins intensifs plus important et qui a davantage fragilisé le personnel.

On n’applaudit plus à 21 heures depuis longtemps. Pire, chaque hôpital fait ses comptes et s’inquiète de ses résultats, craignant d’être attaqué sur la gouvernance. Ainsi, apprenait-on dans la presse le 19 janvier dernier que, son budget étant dans le rouge, l’Hôpital fribourgeois (HFR) prévoyait de supprimer 60 postes de travail en 2022.1>Nicolas Maradan, «L’hôpital supprime 60 postes», La Liberté, 19 janvier 2022. L’annonce a été faite alors que le personnel est confronté à urgence sanitaire liée à la cinquième vague et que le manque de soignant·es est criant. Deux jours plus tard, c’était à l’hôpital de Neuchâtel d’annoncer un déficit budgétaire lié à la crise Covid, mais aussi «[à] la baisse des prestations d’intérêt général (PIG) versées par l’Etat [pour des missions spécifiques de santé publique] et [aux] augmentations salariales liées à la CCT Santé 21»2>Cf. communiqué du Réseau hospitalier neuchâtelois du 21 janvier 2022, accès: bit.ly/3L6HH89. Il n’y a pas de licenciements, mais on fait voir que les conventions collectives de travail sont responsables, au moins partiellement, du déficit. Deux mois après un plébiscite de l’initiative populaire «pour des soins infirmiers forts», c’est interpellant.

Ces deux annonces font écho au déficit annoncé début 2021 du tout nouvel Hôpital Riviera-Chablais (HRC) à Rennaz (VD), qui a secoué le monde politique régional, aboutissant même à la création d’une commission d’enquête parlementaire vaudoise.3>«L’hôpital de Rennaz sous enquête», ATS, Le Courrier, 31 mars 2021. Outre des problèmes de gouvernance probables qui ne sont pas le propos ici, des économies ont été exigées de l’HRC, alors que la fusion de quatre centres de soins aigus implantés dans trois régions distinctes et deux cantons différents (Vaud et Valais) n’avait qu’à peine plus d’un an et s’était effectuée en pleine crise liée au Covid-19. De nombreux postes ont été sacrifiés. Ainsi, le service de pédiatrie a perdu près de la moitié de ses lits et une partie du personnel qui va avec: actuellement, il n’y a, par exemple, que quatre lits en néonatologie pour une maternité qui accueille 2000 naissances annuelles! Il s’ensuit que régulièrement, des nouveau-nés avec des troubles de l’adaptation légers, en principe traités dans un service tel que celui du HRC, doivent être transférés au CHUV à Lausanne par manque de place, avec le coût économique et émotionnel que cela comporte. La direction tente bien d’y remédier, depuis peu, en engageant du personnel intérimaire, proposant des contrats de quelques mois. On touche à l’absurde – sans compter l’impact sur les équipes de soignant·es.

Il ne s’agit pas ici de critiquer les directions des différents hôpitaux, qui continuent à faire ce que le monde politique leur demande: non seulement d’avoir une bonne gouvernance – ce qui devrait être le cas quelle que soit l’organisation sanitaire – mais aussi de défendre leur budget chacun pour soi, sans vision plus globale. Leur soulagement si les comptes sont meilleurs que le budget, surtout si ceux du voisin sont mauvais!

Ces situations illustrent que la manière de penser la planification sanitaire ne s’est pas enrichie de l’expérience de la pandémie, alors même que l’on est encore dans l’urgence épidémiologique – même si on semble percevoir le bout du tunnel. Pour des soins de qualité, on ne peut travailler à flux tendu par temps calme: on doit donc doter les services hospitaliers du personnel suffisant pour éviter cette situation. Cela a un coût qu’il faut intégrer dans les budgets, mais on y gagnera en tant que patient·es et soignant·es. Il faudra être vigilant·es dans la mise en pratique de l’initiative en soutien aux infirmiers et aux infirmières approuvée par le peuple en novembre dernier.

Et puisque la prévention est la meilleure manière de garder la santé, et peut-être la moins chère, n’oubliez pas de voter le 13 février sur l’initiative «oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac». Chaque voix compte!

Notes[+]

Bernard Borel est pédiatre FMH et conseiller communal à Aigle.

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lundi 8 janvier 2018

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