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Coups d’Etat: des sanctions à géométrie variable?

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Quelle attitude doit adopter ce qu’il est convenu d’appeler la «communauté internationale» après un coup d’Etat? Etant bien entendu que ladite communauté internationale se résume le plus souvent aux pays occidentaux, Etats-Unis et France en tête. Et les réactions, voire les sanctions qui les accompagnent, sont très différentes selon le pays ou la région où s’est déroulé le coup d’Etat.

Concernant le Mali, c’est la CEDEAO, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, qui est montée au créneau dans la foulée du coup d’Etat perpétré en août 2020 par une junte militaire, répliqué en mai 2021 pour imposer le colonel Assimi Goïta comme président de transition. Après avoir promis d’organiser des élections dans un délai de dix-huit mois, les militaires ont annoncé à la fin de l’année dernière ne pas être en mesure de le faire avant décembre 2026, le temps pour eux de pouvoir mener à bien les réformes nécessaires à l’organisation d’élections «crédibles, équitables et transparentes».

Une perspective jugée inacceptable par les chefs d’Etats membres de la CEDEAO. Réunis dimanche à Accra au Ghana, ils ont décidé de sanctions extrêmement sévères à l’égard du Mali. Du jamais vu dans la région, pourtant théâtre de nombreux coups d’Etat militaires ou constitutionnels. Pour la première fois en effet, la CEDEAO impose la fermeture des frontières terrestres et aériennes à l’un de ses membres, au sein de l’espace sous-régional ouest-africain. Mais également suspend tout échange commercial, à l’exception toutefois des denrées alimentaires et des médicaments, interrompt toute aide financière et gèle les avoirs du Mali au sein de la BCEAO, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, avec rappel des ambassadeurs respectifs. Lundi, au lendemain de cette décision, la compagnie ivoirienne d’aviation Air Ivoire annonçait à ses clients que les vols vers le Mali étaient suspendus.

Depuis lors, les réactions s’enchaînent au Mali, comme dans les pays voisins. D’un côté, on salue une décision visant à contraindre la junte malienne à rendre le pouvoir aux civils dans un délai raisonnable. De l’autre, on dénonce des mesures disproportionnées, qui feront avant tout souffrir le peuple malien, déjà très affecté par la grande insécurité qui sévit dans le pays et une économie en berne dans la foulée des restrictions dues à la pandémie du Covid-19.

De nombreuses voix contestent également la légitimité des présidents ouest-africains à prendre de telles mesures, plusieurs d’entre eux étant arrivés au pouvoir ou s’y maintenant par des coups d’Etats institutionnels ou des élections truquées. Il est également reproché à ceux-ci d’être à la solde de la France qui, entre autres, dénie au pouvoir en place à Bamako le droit de faire appel aux mercenaires russes du groupe Wagner pour venir à bout des djihadistes et rétablir la sécurité – les Russes seraient déjà plusieurs centaines à s’y activer.

La communauté internationale et les institutions sous-régionales seraient-elles plus sévères avec le Mali qu’avec d’autres pays, victimes de coups d’Etat, mais qui n’ont subi ni sanctions, ni embargo, ni fermetures de frontières? Ce deux poids deux mesures fait en tout cas couler beaucoup d’encre et de salive actuellement dans la région.

L’histoire récente montre que les sanctions imposées à des pays ont eu des effets dévastateurs sur leurs populations. La fermeture des frontières du Mali va également avoir des répercussions économiques dramatiques sur les pays voisins. Tel le Sénégal par exemple, dont plus de 20% des exportations sont destinées au Mali. Chaque jour, de longues files de camions quittent le port de Dakar en direction de Bamako et du reste du pays, enclavé, sans accès à la mer.

Outre l’impact sur les pays voisins, il reste à voir si, au cours de ces prochaines semaines, l’extrême sévérité des sanctions infligées au Mali poussera la population à faire corps derrière ses dirigeants, ou, au contraire, à s’en désolidariser.

Catherine Morand est journaliste.

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lundi 8 janvier 2018

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