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La COP26 et l’enfumage des Terriens

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

Les COP s’enchaînent, et, si on ne s’attend à rien, on n’est jamais déçu. Celle qui vient de s’achever à Glasgow n’a pas dérogé à la règle du brassage d’air et des formules choc définitives, prononcées face caméra par les chefs d’Etat, avant de sauter dans leur jet privé pour retourner à leurs affaires. Rendez-vous est d’ores et déjà pris pour la 27e édition, qui se tiendra en novembre 2022 en Egypte. Plus précisément à Charm el-Cheikh, au bord de la mer Rouge, une station balnéaire dont les innombrables complexes hôteliers et autres resorts se frottent déjà les mains.

Et si on arrêtait cette comédie au cours de laquelle les responsables politiques et économiques jouent au chat et à la souris, avant d’accoucher, justement, d’une souris? Et d’annoncer d’hypothétiques changements d’ici à vingt, trente, quarante ans, histoire de gagner du temps? Du temps pour enfumer encore davantage les Terrien·nes, avec des promesses qui relèvent davantage de la poudre de perlimpinpin que d’une réelle volonté de changer complètement de cap.

A propos des Terriens justement, leurs réactions paniquées à la perspective d’une éventuelle «pénurie» a permis de prendre toute la mesure de leur volonté de changer de mode de consommation. Le scénario qui a cristallisé toutes les peurs est celui où les jouets viendraient à manquer pour Noël. Une éventualité que chacun et chacune s’est employé·e à éloigner, par exemple en faisant bien à l’avance ses achats de Noël; même si visiblement, les consommateurs et consommatrices ne devraient manquer de rien pour les fêtes de fin d’année. Ouf!

En revanche, comme chaque année à la même période, la planète va étouffer encore un peu plus. Les rotations des porte-conteneurs qui font la navette entre l’Asie et le reste du monde vont encore s’intensifier pour tout livrer à temps, malgré les perturbations engendrées par la pandémie. Fait piquant: la crise du Covid-19 a de fait contribué à redorer le blason des grands armateurs qui assurent 90% des échanges mondiaux. Comment ne pas leur être reconnaissant·es en effet d’avoir continué à assurer les livraisons de pratiquement tout ce que nous consommons, fabriqué à des milliers de kilomètres, malgré les importants problèmes logistiques engendrés par la pandémie?

Du coup, les quantités astronomiques de dioxyde de soufre, d’oxydes d’azote, de CO2 recrachées dans l’air par les quelque 100’000 porte-conteneurs, cargos, vraquiers et autres super-tankers qui sillonnent les mers du globe pour nous ravitailler n’ont guère fait parler d’elles lors de la COP26, ni de celles qui les ont précédées. Ces géants des mers utilisent pourtant un fioul lourd, extrêmement polluant. Sans parler des milliers de conteneurs qui, chaque année, glissent du pont pour échouer au fond des mers.

Dans le contexte tendu de l’après-pandémie, où la consommation mondiale connaît un boom sans précédent, et au vu d’un lobby extrêmement puissant qui multiplie les promesses d’un «transport maritime vert», moins polluant, on peut se demander quelle instance est en mesure de réclamer des comptes aux armateurs. Qui pour contrôler si leurs navires sont véritablement équipés de ces scrubbers ou laveurs de gaz extrêmement onéreux, entre autres mesures destinées à se conformer à la nouvelle réglementation visant à réduire les émissions de dioxyde de soufre, péniblement instaurée en janvier 2020?

Aucun signal en tout cas en faveur d’une relocalisation de chaînes de production favorisant un circuit court, moins dommageable pour le climat. Le business as usual poursuit sur sa lancée, à plein régime, avec, au centre des préoccupations des grandes entreprises, encore et toujours la recherche effrénée d’une main-d’œuvre au meilleur marché possible, où que ce soit sur la planète. Agrémentée de quelques concessions cosmétiques à l’environnement, au climat, à la «durabilité», pour faire plaisir aux organisations internationales, aux ONG et aux COP à venir.

Catherine Morand est journaliste.

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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