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Les primes d’assurance-maladie baissent: une bonne nouvelle?

À votre santé!

On nous a annoncé en fanfare la première baisse des primes d’assurance-maladie depuis 2008. Le Conseil fédéral y voit l’effet de la «révision de l’ordonnance sur la surveillance de l’assurance-maladie (OSAMal), entrée en vigueur en juin 2021, [qui] permet aux assureurs de recourir plus facilement aux réductions volontaires des réserves. Elle les incite aussi à calculer les primes au plus juste afin d’éviter des réserves excessives.»1>Communiqué de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) du 28 septembre 2021. Permettez-moi de nuancer le propos. D’abord en rappelant que la baisse moyenne des primes 2022 sera de 0,2% (70 centimes par mois!), qu’elle ne sera effective que dans la moitié des cantons et variera en fonction de l’âge et du type de contrat.

C’est dire que, dans les faits, la population n’en verra pas vraiment la réalité. Au moment où nombreux sont celles et ceux qui ont vu leur revenu disponible fondre de plusieurs pourcents, cette diminution est vraiment dérisoire. Je peux croire que, sans la pression des autorités fédérales, les caisses maladie, qui annonçaient cet été encore une augmentation des primes 2022, n’auraient pas consenti à «ce geste», elles qui sont assises sur un pactole de plus de 11 milliards, soit deux fois plus que le minimum légal de réserve. Elles oublient que cet argent appartient aux assuré·es. D’ailleurs seules quatre grandes compagnies d’assurance ont été d’accord «volontairement» de rendre quelque 380 millions de francs au total (ce qui ne touche pas toutes les personnes assurées, évidemment).

Il faut savoir ensuite comment se calculent les primes et le niveau des réserves. Ce calcul se fonde autant sur les marchés financiers et sur le risque de créances non payées que sur l’évolution réelle des coûts des soins. Et l’on peut dire que, en tout cas pour l’année 2020, ce sont plus les gains financiers colossaux de 2019 (et même de 2020, en pleine pandémie) qui ont «obligé» les caisses maladie à n’augmenter que légèrement les primes! C’est un vrai paradoxe.

La maîtrise des coûts de santé n’est donc qu’un des paramètres, et pas forcément le plus important, pour fixer la valeur des primes. De plus, on sait maintenant que ces coûts n’ont augmenté que de 0,1% en 2020 alors que l’augmentation des primes l’année passée était de 0,5%. Donc trop importante – d’autant plus que les réserves sont immenses –, même en imaginant le risque d’une année 2021 incertaine. Elle a été difficile, mais bien plus pour la Confédération, qui schématiquement finance les vaccins et les tests anti-Covid-19, et pour les cantons en ce qui concerne la logistique nécessaire à l’opérationnel. Sans parler du suivi et de la recherche pour comprendre et s’adapter à cette épidémie nouvelle. L’assurance obligatoire de soins régie par la LAMal est peu impactée directement par la Covid-19 même si, de l’aveu du Conseil fédéral, il faudra attendre fin 2022 pour avoir des chiffres fiables! Une hausse des primes aurait été simplement indécente.

De plus, puis-je rappeler que la seule autre baisse des primes depuis l’entrée en vigueur de la LAMal, qui a eu lieu en 2008, faisait bizarrement suite à la campagne sur l’initiative «pour une caisse maladie unique et sociale», sur le modèle de la Suva, lancée pour contrer la hausse régulière des primes qui, déjà à cette époque, fragilisait les familles à revenu moyen. Un des arguments des caisses maladie et de la droite était que justement que le système en vigueur permettait de «maîtriser les coûts». Une fois l’initiative refusée, les hausses ont repris en toute quiétude, année après année, sans contrôle démocratique et dans une opacité quasi totale.

Et la qualité des soins dans tout cela? On a applaudi le personnel soignant, qui a été admirable, au printemps 2020. Mais s’est-on posé la question des conditions de travail et de pourquoi un grand nombre d’infirmiers et d’infirmières quittent les soins dès 35 ans et qu’il en manque quelque 10’000 en Suisse? Et, franchement, quand on ose dire que les EMS genevois cherchent des patient·es désespérément parce qu’ils ne sont occupés qu’à 97% et que le seuil de rentabilité est à 98%, comme on l’entendait la semaine passée, ne touche-t-on pas à l’absurde? Où est l’humain, où est le patient?

Alors acceptons cette baisse de primes pour ce qu’elle est. Et surtout n’oublions pas d’aller voter pour l’initiative populaire pour des soins infirmiers forts: notre système de santé s’en portera mieux!

Notes[+]

Bernard Borel est pédiatre FMH et conseiller communal à Aigle.

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lundi 8 janvier 2018

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