Neuchâtel

Moi, mon ordi, ma santé

La cybersanté s’invite dans le canton de Neuchâtel avec le «dossier électronique du patient». Et en toute sécurité, affirment les autorités.
Moi, mon ordi, ma santé
Le système neuchâtelois sera compatible avec celui utilisé par les autres cantons romands. KEYSTONE/Jean-Christophe Bott
Neuchâtel

Membre de la société neuchâteloise de médecine, le docteur André-Philippe Méan est plutôt ravi de pouvoir bientôt se séparer de ses épais dossiers de patient·es, composés pour la plupart de dizaines de feuilles volantes, de rapports et de diagnostics, d’ordonnances et même parfois encore de fax expédiés par les derniers cabinets médicaux rétifs à l’usage de l’informatique dans le canton. Prudence scientifique oblige, le praticien attendait, comme les autorités d’ailleurs, les dernières garanties et certifications en matière de sécurisation des données, lesquelles seront jetées sur le cloud, avant d’adopter les yeux fermés ou presque le «dossier électronique du patient» (DEP) version neuchâteloise.

Trois niveaux de sécurité

«Les garanties fournies nous semblent suffisantes», a-t-il assuré hier devant la presse à Neuchâtel. Dès le 1er novembre et jusqu’au printemps, vingt-cinq de ses collègues l’adopteront pour une phase de démarrage à laquelle sont convié·es, du côté des malades, jusqu’à un demi-millier de diabétiques. Autrement dit des personnes souffrant d’une maladie chronique où le DEP pourrait apporter une plus-value en matière de prise en charge.

Mais d’autres acteurs du réseau de la santé sont également appelés à coopérer à cette chaîne sanitaire informatisée durant cette phase test. Au moins deux hôpitaux, dont celui de Neuchâtel, et quatre EMS, dont le home médicalisé des Charmettes sur les hauts du chef-lieu. A cela s’ajouteront un service de soin à domicile, cinq infirmier·ières indépendant·es et une dizaine de pharmacies. L’ensemble de ces prestataires pourront dès la semaine prochaine insérer leurs documents, avec le consentement des patient·es, sur une plateforme ad hoc et, dit-on, bien sécurisée.

«Les garanties fournies nous semblent suffisantes» Docteur André-Philippe Méan

Pour y avoir accès: un login, un mot de passe et un code transmis ensuite sur les téléphones portables. «Nous ferons attention dès le début à l’aspect sécuritaire, sachant que le risque zéro n’existe pas, les données seront donc cryptées», assure Caroline Gallois-Vinas, responsable cantonale de la cellule Cybersanté.

Après les intrusions récentes de hackers au cœur de plusieurs administrations romandes, le DEP ne déploie pas ses premiers effets au moment le plus opportun. «Pour le mener à bien, il va de soi que le maître mot reste la confiance», a fait remarquer le ministre neuchâtelois de la Santé, Laurent Kurth. C’est La Poste qui hébergera la plateforme, a-t-il dit. Ainsi que les futurs dizaines de milliers de documents attenants. «Les données seront stockées en plusieurs endroits», a-t-il précisé, mais sans en dire davantage, sécurité oblige. «Les patient·es ne seront soumis à aucune contrainte. Liberté leur sera laissée d’ouvrir ou non un DEP et de devenir actrice et acteur de leur propre santé. Par exemple, dans le cas d’un·e diabétique introduisant régulièrement ses relevés dans le système. Les patient·es resteront aussi en contrôle de la machine en pouvant décider à tout moment de rompre avec ce futur classeur électronique.»

A l’abri des caisses

Une période de rodage d’environ six mois sera nécessaire avant une généralisation à l’ensemble de la population neuchâteloise de ce système de soins dits coordonnés. Les personnes consentantes pourront également décider du niveau de confidentialité des informations qu’elles expédieront sur la Toile. «Des données auxquelles ni les caisses maladie, ni l’Etat, ni l’employeur n’auront accès», a garanti le docteur Méan. En définitive, les patient·es pourront définir qui aura le droit de consulter ces pages. Et malgré le fait que le canton de Neuchâtel ait finalement décidé de faire cavalier seul en Suisse romande en ne s’alliant pas à Cara, une plateforme similaire adoptée par les autres cantons romands, «cette singularité n’empêchera pas que les données d’un·e Neuchâtelois·e soigné·e dans un autre canton suivront, nous collaborons avec Cara», a dit Laurent Kurth.

Enchanté que ce dossier devienne enfin une réalité tangible après quatre ans de travaux, le ministre a également rappelé que les hôpitaux, et bientôt les EMS – d’ici à avril 2022 –, sont désormais tenus de se conformer la loi fédérale sur le dossier électronique du patient. Mais pas encore d’obligation en revanche pour les prestataires de soins ambulatoires, même si la volonté est forte de les intégrer. «Mieux coordonner les soins, bénéficier des retours des patient·es et des prestataires de la santé, tels sont les atouts du DEP», a résumé l’élu. Des erreurs médicales pourraient être aussi à l’avenir évitées grâce à l’emploi de cette plate-forme, a conclu le docteur Méan, concédant que l’écriture et la lisibilité n’avaient pas toujours été le fort des médecins.

Régions Neuchâtel Alain Meyer Neuchâtel

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