Édito

Une vie contre la guerre

Une vie contre la guerre
Gino Strada en 2017 à Milan, lors de l'inauguration des nouveaux locaux de son organisation Emergency. KEYSTONE
Italie

A Milan, tout le week-end, plusieurs milliers de personnes ont fait la queue pour rendre un dernier hommage à Gino Strada. Décédé le 13 août en pleines vacances, le septuagénaire était une figure respectée, l’une de ces voix qui (im)portait lorsqu’il était question d’éthique, de droits humains ou de dignité des plus faibles. Un personnage connu de Trieste à Palerme, mais aussi en Afghanistan, en Irak, au Soudan, au Cambodge ou en Sierra Leone, où son organisation non gouvernementale Emergency a soigné plus de 10 millions de civil·es.

Chirurgien spécialisé dans le traitement des victimes de guerre, le Lombard a fondé l’ONG en 1994, avec son épouse Teresa Sarti, en plein génocide rwandais. Et c’est justement dans un hôpital de Kigali qu’a lieu la première intervention d’Emergency, pour rouvrir les départements de chirurgie ou de gynécologie devenus inaccessibles. Depuis, de nombreux espaces de soins auront été aménagés autour du globe; et même en Sicile, en Calabre ou en Vénétie, destinés aux migrant·es notamment.

Contrairement à Bernard Kouchner, cofondateur de Médecins sans frontières devenu ministre, Gino Strada n’est jamais entré en politique. L’ancien militant marxiste du Movimento Studentesco n’a d’ailleurs cessé de ­critiquer les gouvernements italiens des vingt-cinq ­dernières années, de Massimo D’Alema à Giuseppe Conte en passant par Prodi, Berlusconi, Renzi ou Monti. En particulier pour leur soutien indéfectible aux logiques de guerre, par l’engagement répété de l’Italie dans ­différents conflits.

Car là aussi, Strada se différenciait de Kouchner: il était fermement opposé à la notion d’ingérence humanitaire, à toutes ces interventions militaires provoquées pour «secourir» des populations, alors que les principales victimes restaient systématiquement civiles. «Je ne suis pas pacifiste. Je suis contre la guerre», déclarait le ­lauréat 2015 du prix Right Livelihood, le «Nobel alternatif». Ainsi, il a dénoncé dès 2001 l’intervention occidentale en Afghanistan, non sans pointer son cuisant échec, au récent départ des troupes étasuniennes, dans un article paru un jour avant sa mort.

Grand ami de figures du catholicisme progressiste comme don Gallo ou don Ciotti, il n’en était pas moins un athée convaincu. Qui aura toutefois gagné sa place au ciel: découverte en 2006, l’astéroïde 248908 porte son nom.

Opinions Édito Samuel Schellenberg Italie

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