Genève

Première volée d’écolier·ères au vert

Une école en forêt ouvrira en septembre dans les bois de Jussy. Elle accueillera vingt enfants du cycle élémentaire pour un apprentissage en immersion. Reportage.
Première volée d’écolier·ères au vert
A l’orée des bois de Jussy, s’installera dès la rentrée prochaine la première école genevoise en forêt, nommée le Cerf feuillu. MJT
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Il faut longer le champ, scruter la lisière de la forêt, trouver le bâton repère et se faufiler entre les feuilles pour découvrir, enfin, l’espace de sous-bois clairsemé qui accueillera bientôt les élèves. C’est là, à l’orée des bois de Jussy, que s’installera dès la rentrée prochaine la première école genevoise en forêt, nommée le Cerf feuillu. Ce sera la troisième du genre en Suisse romande après Sion et Orbe. Un aboutissement pour la fondatrice de GEducation par la nature, Sandrine De Giorgi, qui cultive depuis plusieurs années déjà la graine de la pédagogie en plein air.

«Il ne s’agit pas de tout réinventer, mais le contexte nous sert de support pour aborder les choses différemment» Zoé

Après le succès des crèches en forêt et des mercredis nature1>Notre édition du 9 décembre 2019., voici venu le temps des pupitres forestiers. Dans cette classe hors du commun, jusqu’à vingt enfants entre quatre et huit ans – soit de la 1P à la 4P – pourront être accueillis selon l’horaire scolaire – repas et déplacement depuis la gare Cornavin inclus. Des places restent encore à pourvoir pour la rentrée à venir.2>Séance d’information prévue le 18 août, voir site internet:
https://geducation.ch/

Apprentissage en contexte

L’équipe pédagogique, composée de deux enseignantes – actives également dans l’enseignement public – et de trois pédagogues par la nature, dont l’un est également forestier-bûcheron, a pour mission de combiner le terrain d’exploration de la forêt avec les objectifs du plan d’études romand (PER). «Ici, l’apprentissage passera avant tout par l’expérience», introduit Sandrine De Giorgi. Au contact direct de leur environnement, les enfants sont appelés à développer des compétences naturalistes et à tisser un lien concret avec le monde animal et végétal qui les entoure. Ils et elles passeront le plus clair de leur temps ensemble, indifféremment de leur âge, mais certaines périodes seront organisées en sous-groupes selon les degrés. «Il ne s’agit pas de tout réinventer, nous allons nous appuyer sur notre expérience dans l’enseignement public, explique Zoé, l’une des institutrices. Mais le contexte nous sert de support pour aborder les choses différemment.»

A chaque trimestre de l’année correspondra un thème et un projet final, mené conjointement par l’ensemble des élèves. Cet automne, les arbres serviront de fil rouge et l’objectif sera la création d’une maquette de la forêt. En langage PER, cela correspond au chapitre grandeur et mesures et représentation de l’espace, pour les maths, tandis que les contes seront à l’honneur en français. «L’avantage de cette méthode, c’est que le sens des apprentissages apparaît de lui-même», souligne Jordi, qui s’est formé à la pédagogie par la nature chez Silviva, la référence suisse en la matière. «Ce principe novateur à Genève a déjà fait ses preuves, notamment dans les pays nordiques.»

Refuge en cas de mauvais temps

Visualiser la salle de classe dans ce sous-bois nécessite de faire travailler un peu son imagination. C’est un chantier collectif organisé à la fin de l’été qui permettra d’ériger les structures incontournables de cet établissement: des pupitres extérieurs, mais aussi un canapé forestier – structure faite de branches entrelacées qui constituent un banc et un abri naturel.

Quand la météo se fera menaçante, les écoliers et écolières auront accès à un bâtiment plus conventionnel, quoique lui aussi pensé en termes de durabilité. Il est mis à disposition par la fondation Clair-Vivre, elle aussi active dans l’accueil d’enfants, mais qui n’utilise cet espace qu’en dehors des horaires scolaires. En cours de construction, il offrira le confort d’un réfectoire, d’une salle de classe et de sanitaires à quelques enjambées du sous-bois. Mais qu’on se le dise, il n’est prévu d’y trouver refuge qu’en dernier recours!

Une alternative de niche

Aussi enthousiasmant qu’il soit, le projet reste d’une envergure limitée. Il devrait grandir dans les années à venir en ouvrant progressivement l’école aux degrés supérieurs. «L’objectif est que les enfants qui entrent cette année à l’école puisse y poursuivre leur scolarité primaire», détaille Sandrine De Giorgi.

«L’avantage de cette méthode, c’est que le sens des apprentissages apparaît de lui-même» Jordi

Les frais d’écolage de cette formation privée, qui s’élèvent à environ 1100 francs par mois, ne rendent pas non plus cette alternative accessible à toutes les familles. Un écueil que l’initiatrice aurait voulu éviter, mais sans quoi l’école n’aurait jamais pu voir le jour aussi rapidement. «Je voulais donner une continuité aux enfants de l’écocrèche, qui ont noué un lien si fort avec la forêt. Mais c’est important pour moi de rester au plus proche de l’école publique, et pourquoi pas devenir un projet pilote qui pourrait être financé par le Département de l’instruction publique.» En attendant, la recherche de soutiens financiers se poursuit, notamment via une campagne participative lancée en ligne. Avec l’ambition que la petite graine plantée à Jussy serve d’inspiration plus générale. Car «les enfants qui auront passé des années en forêt seront les meilleurs défenseurs de la nature plus tard», conclut Jordi.

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