Suisse

Une hausse d’impôt fait son chemin

Une majorité d’économistes appuie un relèvement de la fiscalité pour payer les coûts de la pandémie.
Une hausse d’impôt fait son chemin
La pandémie a entraîné de très importants manques à gagner pour certains secteurs. KEYSTONE
Finances publiques

Le consensus qui ne veut surtout pas toucher aux impôts pour financer les dépenses extraordinaires de la crise du Covid-19 est en train de se lézarder. Une majorité d’économistes sondés en avril par l’institut de recherches conjoncturelles KOF, de l’EPFZ, en collaboration avec la NZZ, s’est prononcée en faveur d’un relèvement de l’impôt sur les bénéfices des entreprises.

La classe politique, des simples parlementaires au Conseil fédéral, a toujours affirmé que le surcoût devait n’être financé que par l’emprunt. Elle a aussi reconnu en janvier que ce dernier restait parfaitement supportable pour les caisses publiques et que seule se posait la question de la durée d’amortissement. La question ne se pose pas, ou guère, dans les cantons, qui n’ont eu à supporter que des dépenses négligeables par rapport au coût total de la pandémie, et dont les finances sont restées globalement saines.

Bénéfices et TVA

Chez les économistes, l’analyse est bien différente. En avril, ils étaient environ 160 à répondre à un questionnaire du KOF. Parmi les questions posées, l’une d’entre elles demandait comment réduire la dette. Ils étaient 44 (26,3%) à répondre par «une augmentation de l’impôt sur les bénéfices», quinze s’exprimant en faveur d’«une hausse de l’impôt sur le revenu» et 12 pour «une hausse de la TVA». A l’opposé, les partisans des mesures d’économie étaient bien minoritaires. Ils étaient 20 à opter pour une «réduction des dépenses dans l’administration», trois pour «une réduction des dépenses dans la sécurité sociale» et aucun en faveur d’«une réduction des dépenses dans la formation et la recherche».

Commentant ce sondage, Jan-Egbert Sturm, directeur du KOF, explique qu’«une réduction de la dette devrait se faire via une augmentation des recettes plutôt qu’une réduction des dépenses. Et pas par une mesure temporaire, genre «supplément corona», mais comme une mesure de solidarité, une sorte de prime versée a posteriori à l’assureur ultime, l’Etat». Et de bien préciser le propos: «Assurons-nous que cela ne soit pas fait par ceux qui ont déjà dû consentir à de grands sacrifices durant cette crise».

Précédents étrangers

L’idée d’une hausse des impôts fait son chemin au niveau international. Outre la proposition du président américain Joe Biden d’appliquer un taux minimal sur les bénéfices des entreprises au plan mondial, qui aurait pour effet de hausser les impôts sur les entreprises étrangères ayant une présence en Suisse, l’idée est mise en pratique dans un nombre croissant de pays, constate l’OCDE. «Alors que quelques mesures ont été prises à titre temporaire, la plupart d’entre elles sont permanentes», note l’organisation. Certaines taxes avaient certes été prévues avant la pandémie, comme celles ayant un objectif climatique (taxes sur le CO2, etc.)

Mais d’autres ont été faites expressément suite à la pandémie et ont visé avant tout les hauts revenus. Sept pays, note encore l’organisation, ciblent tout particulièrement cette dernière catégorie de contribuables. Ainsi, la République tchèque a relevé les droits d’entrée pour le tabac et le Royaume-Uni relevé certains taux d’imposition sur le revenu.

La «psychose» de la dette

En Suisse toutefois, l’idée d’une hausse des impôts ne semble pas centrale. Un économiste remarque, dans le sondage du KOF, qu’«il faudrait combiner une modeste hausse de l’impôt sur les bénéfices avec une modeste baisse des dépenses de l’administration». Un autre estime que «chercher à réduire la dette par une augmentation des recettes ou une baisse des dépenses aura des effets contre-productifs et conduit à hausser le ratio de dette par rapport au PIB car elle ne réduira pas que la dette, mais aussi le PIB». En clair: une réduction trop marquée de l’endettement public conduirait, selon cet expert, à une récession.

Un autre remarque encore plus sèchement que «les politiciens devraient commencer à comprendre que leur obsession de la dette et du frein à l’endettement est une psychose: beaucoup d’inquiétude sans raison objective».

Suisse Yves Genier Finances publiques

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