Les «années de plomb» italiennes
Le Courrier a publié un article de Libération sur l’arrestation, le 29 avril, de sept militants italiens réfugiés en France, traités de «terroristes». Les autorités italiennes, Emmanuel Macron et les grands médias trompent l’opinion publique en disant que leur extradition vers l’Italie met fin «aux années de plomb». En effet, mettre sur le dos de ces militants la responsabilité des attentats qui ont ensanglanté l’Italie entre 1969 et 1983 cache le fait que les commanditaires de ces attentats n’ont jamais pu été jugés et condamnés.
Quelques juges courageux ont prouvé que les attentats aux explosifs qui ont tué 360 personnes et fait un millier de blessés durant «les années de plomb» ont été perpétré dans le cadre de la «stratégie de la tension» au travers de la CIA, de l’Otan, de la P2 de Licio Gelli et du réseau Gladio, qui ont utilisé comme exécutants des fascistes formés au maniement des explosifs.
Ce carnage était motivé par la lutte anticommuniste, afin de casser les mouvements sociaux qui ont émergé après mai 68, avec notamment des occupations d’usines. Comme l’enquête sur la P2 l’a montré, ces attentats devaient servir à imposer un régime fort sous le prétexte de mettre fin à l’insécurité.
Si quelques exécutants d’extrême-droite ont été jugés et condamnés à des peines de prison, les commanditaires n’ont jamais pu être identifiés et traduits en justice, le procès de Milan ayant été déplacé à Catanzaro au fin fond de la Calabre pour brouiller les pistes.
L’attentat initial a en effet eu lieu à Milan, le 12 décembre 1969, à la Banque agricole, faisant 17 morts et 77 blessés. Les anarchistes ont immédiatement été accusés: Valpreda a passé plusieurs années en prison avant d’être acquitté. Mais un cheminot anarchiste, Pinelli, convoqué au commissariat de Milan, a été défenestré du quatrième étage et sa mort présentée comme un suicide, ce qui a suscité une vague d’indignation populaire. Ce meurtre a été mis en scène par le célèbre auteur de théâtre Dario Fò, mais le commissaire Calabresi a été disculpé sous prétexte de suicide. Le 17 mai 1972, il a été tué sans que cet acte soit revendiqué. Les soupçons se portent sur trois militants de «Lotta continua»: Adriano Sofri, Giogio Pietrostefani et Ovidio Bompressi. Mais faute de preuve, les accusés sont acquittés le 12 décembre 1993. Ce verdict sera annulé en novembre 1995. Malgré le manque de preuves, ils sont condamnés à 22 ans de prison. Après avoir passé cinq ans en prison, Giorgio Pietrostefani a trouvé refuge en France, d’où il est expulsé par Macron.
Il faut préciser que les militants d’extrême-gauche, à l’instar des Brigades rouges, n’ont jamais commis d’attentats à la bombe, mais ont procédé à des homicides ciblés. L’assassinat d’Aldo Moro, attribué aux Brigades rouges, a en fait profité à ceux qui ne voulaient pas du «compromis historique» prôné par Aldo Moro, qui aurait permis au Parti Communiste d’accéder au pouvoir au côté de la Démocratie chrétienne…
Rien ne permet donc de dire que l’extradition des sept militants permet de mettre fin aux «années de plomb». En effet, les commanditaires des attentats à la bombe, dont le pire a été celui à la gare de Bologne, le 3 août 1980, qui a tué 83 personnes et en a blessé plus d’une centaine, n’ont jamais pu être identifiés et condamnés par la justice italienne, car protégés d’en haut.
Cette injustice flagrante (deux poids, deux mesures, dont l’amnistie et l’amnésie) illustre bien le danger d’amalgame des nouvelles lois anti-terroristes que l’on veut nous imposer dans toute l’Europe et en Suisse le 13 juin.
Ivar Petterson,
Genève