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Des politiques irresponsables accentuent les effets du Covid

Le dernier rapport annuel d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde, sorti le 7 avril, émet plusieurs constats. Si l’impact néfaste des politiques d’austérité ou encore l’instrumentalisation de la pandémie par certains régimes ont pu être établies, le rapport met également en lumière la force des mouvements de protestation.
Des politiques irresponsables accentuent les effets du Covid
Dans les Amériques, 22 millions de personnes sont tombées dans la pauvreté, tandis que celles vivant dans l’extrême pauvreté ont augmenté de 8 millions. KEYSTONE/PHOTO PRETEXTE
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Amnesty International publiait hier son rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde, qui couvre 149 pays. Le document présente une analyse détaillée des grandes tendances en matière de droits humains.

Dans son rapport, l’organisation montre que des politiques d’austérité malavisées qui ont érodé les infrastructures publiques ont préparé le terrain aux dévastations causées par le Covid-19. De très nombreuses personnes ont succombé au virus ou ont vu leurs conditions de vie se détériorer dramatiquement. La pandémie a creusé les inégalités au sein des pays et entre les pays. Ainsi, dans les Amériques, 22 millions de personnes sont tombées dans la pauvreté, tandis que celles vivant dans l’extrême pauvreté ont augmenté de 8 millions.

Les populations les plus marginalisées, notamment les femmes et les réfugié·es, sont celles qui ont été le plus durement frappées par la pandémie. Le personnel soignant, les travailleuses et travailleurs migrant·es et les personnes actives dans le secteur informel – en première ligne face à la pandémie – ont été trahi·es par des systèmes de santé en lambeaux et des aides économiques et sociales lacunaires.

Contourner la coopération

Parallèlement, des dirigeant·es ont instrumentalisé le Covid-19 pour renforcer leur pouvoir, notamment en adoptant des lois qui répriment les commentaires relatifs à la pandémie. En Hongrie, le gouvernement de Viktor Orbán a modifié le code pénal: il prévoit désormais jusqu’à cinq ans d’emprisonnement en cas de «diffusion de fausses informations» au sujet du Covid-19. L’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït et Oman ont continué à réprimer la liberté d’expression en poursuivant en justice des personnes ayant publié sur les réseaux sociaux des commentaires sur les mesures prises par leur gouvernement face à la pandémie.

Des institutions internationales telles que la Cour pénale internationale et les mécanismes de l’ONU sont sans cesse poussées dans des impasses par les manœuvres politiques de dirigeant·es qui cherchent à saper les ripostes collectives aux crises. Par ailleurs, les leaders de pays riches ont contourné les tentatives de coopération mondiale dans la lutte contre le coronavirus en achetant la plupart des stocks de vaccins disponibles dans le monde. Ces pays, dont la Suisse, se sont de surcroît abstenus de pousser les entreprises pharmaceutiques à partager leurs connaissances et leurs technologies afin d’accroître l’offre de vaccins contre le Covid-19 à l’échelle mondiale.

En 2020, l’impulsion en faveur des droits humains est venue des innombrables personnes qui ont manifesté pour réclamer des changements. Le mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis a ravivé la lutte antiraciste à travers le monde, et les protestations pour le climat se sont poursuivies avec des formes virtuelles innovantes. Malgré l’augmentation du nombre de cas de violences domestiques et liées au genre en raison de la pandémie, les femmes ont obtenu d’importants succès, comme la dépénalisation de l’avortement en Argentine, en Corée du Sud et en Irlande du Nord. Au final, ce sont ces mouvements de militance, portés par des gens comme vous et moi, qui sont à l’avant-garde du combat pour un monde meilleur!

Nadia Boehlen est porte-parole d’Amnesty International Suisse.

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