On nous écrit

La Syrie en accusation?

Eric Merguin réagit à un article paru dans nos colonnes le 3 mars dernier.
Conflit

La devise du Courrier est-elle encore «L’essentiel autrement»? Alors pourquoi reprendre sans commentaire la page de Libération sur «les crimes perpétrés par le régime syrien»?

Ne sait-on pas que les gouvernements français sont coutumiers d’accuser le «régime de Bachar el-Assad»? (Déjà ici, le choix des mots n’est-il pas volontairement biaisé pour signifier d’emblée aux lecteurs et lectrices qu’un pouvoir qui soumet à ses propres règles une communauté ou un peuple est illégitime? Alors qu’on devrait plutôt parler, à Libération et dans la presse en général, non d’un régime mais du gouvernement syrien ou de la République arabe syrienne, seul pays laïc du Proche Orient.)

On se souvient aussi de l’invective du ministre socialiste Laurent Fabius: «Assad ne mérite pas d’être sur la Terre!» Et maintenant, une juge d’instruction française dépose à Paris une plainte pour crime contre l’humanité, «plainte qui devrait durer plusieurs années».

Je vous rappelle qu’accusées en avril 2017, les autorités syriennes ont nié faire usage de gaz de combat car elles ont rappelé que l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) avait fait détruire dès l’automne 2013 tous les stocks et sites de l’Etat syrien, engagement pris après adoption par les Etats-Unis et la Russie à Genève, le 14 septembre déjà.

On peut rappeler également l’accusation concernant l’attaque au gaz sarin à la Ghouta, une banlieue de Damas. Or, après l’enquête diligentée par l’ONU, les enquêteurs OIAC-ONU dépêchés sur la place avec l’accord du gouvernement syrien ont disculpé les autorités syriennes et mis en cause les rebelles d’Al-Qaïda. Raison probable pour laquelle le président Obama qui avait annoncé qu’en cas de franchissement d’une «ligne rouge» il frapperait la Syrie en représailles y avait finalement renoncé. Non pas par couardise comme nombre de journalistes l’en a souvent accusé, mais sur la foi du rapport susmentionné de ses enquêteurs, notamment l’inspecteur de l’ONU (M. Richard Lloyd) et celui du MIT (M. Theodore Postol). Depuis lors, l’OIAC veille sur place au respect des engagements de la Syrie en la matière.

Sachant cela, vous auriez pu au moins changer la légende trompeuse de la photo de Keystone.

Ne serait-on pas plutôt mieux inspiré d’œuvrer à la reconstruction de quartiers détruits de certaines villes de ce pays et d’aider ses populations meurtries plutôt que se consacrer une fois de plus à des années d’enquêtes sans fin?

Éric Merguin,
dernier séjour dans ce merveilleux pays au peuple si attachant en automne 2010, Genève

Opinions On nous écrit Votre lettre Conflit

Connexion