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Face à la Chine, l’Europe et les Etats-Unis font pitié

EST-CE BIEN RAISONNABLE?

En ce début d’année 2021, la Chine confirme sa volonté de réduire au silence toute voix dissidente. Et frappe qui et où elle veut. Qu’il s’agisse des Hongkongais, des Ouïgours, des Tibétains, et d’une manière générale, de chaque citoyen chinois. Face à elle, les pays occidentaux gesticulent piteusement. Ce qu’il est convenu d’appeler la communauté internationale n’arrive plus guère à faire illusion ou à masquer son impuissance, ses divisions. L’Europe agite encore pour la bonne forme quelques principes relatifs aux droits de l’homme; mais, avec son économie à la peine, elle est avant tout soucieuse de maintenir de bonnes relations commerciales avec la Chine. Quant au président étasunien Donald Trump, sa pitoyable fin de règne lui enlève toute crédibilité. Après l’épisode de la «prise» du Capitole par des zigotos se réclamant du président sortant, comment les Etats-Unis pourraient-ils encore donner des leçons de démocratie à Pékin?

La Chine ne boude d’ailleurs pas son plaisir, et a aussitôt évoqué l’épisode de l’assaut du Capitole en guise de réponse au chef de la diplomatie étasunienne, Mike Pompeo, qui réclamait la semaine dernière la libération «immédiate» et «sans condition» des 53 personnalités de premier plan luttant pour la démocratie à Hong Kong, interpellées par plus d’un millier de policiers, accusées de «subversion». Dans un ultime élan de bravoure avant la fin d’une ère, Mike Pompeo a encore brandi la menace que «les Etats-Unis ne resteront pas les bras croisés pendant que les habitants de Hong Kong subissent l’oppression communiste». L’Union européenne a également fustigé cette «sévère répression» et cette «terrible attaque» contre les libertés à Hong Kong, pourtant théoriquement garanties jusqu’en 2047 dans le cadre du principe «un pays, deux systèmes». Mais les hommes et les femmes qui luttent avec courage à Hong Kong depuis des mois contre le géant chinois avaient déjà compris qu’ils ne pouvaient guère compter sur elle.

Cela fait des années que les dirigeants occidentaux tâtonnent quant à l’attitude politique à tenir vis-à-vis de la Chine. Menaces, ouverture, boycott, liens étroits? Mais quelle marge de manœuvre ont-ils, alors que leurs entreprises n’ont cessé de délocaliser, avides des bénéfices faramineux générés par l’exploitation de masses laborieuses s’exténuant à la tâche pour des salaires de misère? N’ont-ils pas déjà renié toute valeur morale, fait l’impasse sur les conséquences futures causées par la vente à l’encan de pans entiers de leurs économies?

Résultat: dans un tour de passe-passe quasiment schizophrénique et au nom du sacro-saint «business as usual», nos dirigeants politiques parviennent à absorber sans trop sourciller la répression à l’égard des Tibétains, les camps de travail et les tortures infligées à la communauté ouïgoure, la surveillance étroite dont les citoyens chinois font l’objet. La Suisse se distingue d’ailleurs en la matière puisqu’elle autorise la présence d’agents des services de sécurité chinois sur son territoire, lesquels ont le droit de mener enquêtes et interrogatoires auprès de Tibétains et autres réfugiés d’origine chinoise.

En Chine, toute voix dissidente est désormais réduite au silence. Même celle du milliardaire chinois Jack Ma, fondateur du géant numérique Alibaba et 25e fortune mondiale, qui n’est plus apparu publiquement depuis le mois d’octobre après avoir prononcé un discours virulent contre les autorités chinoises. Qui s’en soucie? Toutes les méthodes de répression et de contrôle sont bonnes pour neutraliser celles et ceux qui prennent publiquement la parole pour critiquer le régime ou prôner la justice et la démocratie. Cerise sur le gâteau: dans le contexte de la crise sanitaire mondiale due au coronavirus, ce système de surveillance est érigé en modèle à suivre pour lutter contre le Covid-19. Un modèle dont les pays dits démocratiques et leurs économies vacillantes pourraient être tentés de s’inspirer.

Notre chroniqueuse est journaliste.

Opinions Chroniques Catherine Morand

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lundi 8 janvier 2018

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