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A qui fait-on confiance?

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Nous naissons dépendants d’un ou deux parents, génétiques ou non, sans lesquels nous ne pourrions survivre. Nous sommes soumis à leurs gestes, qui assurent notre alimentation, notre protection, notre éducation. Il n’est pas question de liberté dans les premiers stades de notre vie aérienne! Eclairée ou pas, la dictature des parents ou éducateurs est totale: elles-ils nous conditionnent par quelques réflexes et des savoirs pour survivre avec, puis sans eux.

En plus du nécessaire, ils nous imposent plein d’arbitraires gratuits, que l’usage qualifie de «culture». L’éducation, c’est l’apprentissage de la quête des nécessités vitales comme l’eau et les aliments ou l’évitement de dangers graves, variables selon les lieux et les conditions locales. Mais ce sont aussi les folklores, comme le port du kilt ou l’histoire des prophètes familiaux, Père Noël ou petit Jésus. Allez, vu mon passé, je risque guère plus à ajouter Mahomet ou Poutine à ma liste d’exemples!

Le gavage culturel commence dès la naissance, et même avant par diverses sensations. Un paquet de conditionnements tactiles, gestuels, sonores et visuels nous font distinguer ce qui fait peur de ce qui fait plaisir, comment toucher ou pas, s’exprimer ou se taire, reconnaître les sons d’une langue, bien avant de maîtriser ses premiers mots. Les traditions de la société nous engagent dans un cortège de rituels arbitraires, depuis les formules de communication ou les prières jusqu’aux stupides mutilations de pénis, de clitoris, de nymphes, de joues, d’oreilles. L’éducation des enfants se fait sous la contrainte, mais souvent avec des violences physiques ou morales superflues, aussi répandues soient-elles. Sortir des contraintes sera nécessaire à celui qui devra, un jour, se passer du pilotage parental. Dans les cultures en transformation, apprendre et faire ce que ni la famille, ni l’éducation des générations précédentes n’enseigne, c’est une nécessité!

Dans les systèmes traditionnels et/ou autoritaires, parents, enfants et adolescents sont enfermés dans une «prison culturelle», une culture verrouillée sur le plan des croyances et des comportements sociaux. Ceux à qui l’on doit faire confiance sont alors les enseignants, les prêtres, les responsables sociaux ou politiques. Les déviances sont sanctionnées, au mieux par l’exclusion de la communauté, au pire par des châtiments qui vont jusqu’à la mort. Mais, bien avant que les sociétés n’écrivent leur histoire et ne consignent les débats de leurs philosophes, des pensées critiques se sont développées partout, pour remettre en cause les arbitraires culturels dominants. En cas de succès, elles donnaient naissance à des sous-cultures différentes, qui se sont multipliées au cours de l’histoire humaine. Les langues qui portaient ces cultures ont accéléré leur divergence en se diversifiant elles-mêmes, au fil des émigrations et des séparations de populations.

Depuis longtemps les cultures, et en particulier leurs arbitraires incompatibles, se rencontrent, s’affrontent. Ou bien, dans les meilleurs cas, cohabitent dans des équilibres précaires de confiance relative des unes envers les autres. Mais la mondialisation technologique crée une situation inédite en provoquant les rencontres les plus improbables entre ces sociétés trop différentes, entre les certitudes et les croyances les plus incompatibles. Toutes sont accessibles sur des appareils présents dans la poche de chacun. Qui croire alors? Les parents et les autres éducateurs, qui nous ont conditionné-e-s avec plus ou moins de succès, souvent avec de graves contradictions entre les uns et les autres? Les dirigeants de la communauté ou du pays? L’écran de l’appareil dans notre poche? On sait que les livres sont plein de mensonges, que les films montrent du cinéma, que les prêtres ou les philosophes se contredirent tout le temps, que les chercheurs ne trouvent que ce qu’ils cherchent et que n’importe quoi enfume internet! Il devient alors difficile de savoir qui produit les émotions qui nous donnent confiance…

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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