Édito

L’incendie couve toujours

L’INCENDIE COUVE TOUJOURS
KEYSTONE
États-Unis

Un happy end hollywoodien? Après la frayeur provoquée mercredi par l’émeute du Capitole, la ratification de Joe Biden par le Congrès, le refus d’un nombre croissant d’élus républicains de suivre le Néron de la Maison Blanche et la promesse de Donald Trump de ne plus s’accrocher à la présidence ont souligné le cuisant échec de l’opération. S’il rêvait d’incendier Washington pour mieux la dominer, l’empereur de Mar-a-Lago s’est surtout brûlé les doigts.

Voilà pour le court terme. Les démocrates, majoritaires aux deux Chambres, vont pouvoir installer leur administration sur fond de divisions républicaines et du lâchage de Donald Trump par un patronat échaudé après les événements du 6 janvier. L’illusion d’un retour à la normale.

Car l’incendie couve toujours. Avec ou sans Trump, le maelstrom populiste va continuer à travailler en profondeur la nation nord-américaine. Son mélange de méfiance viscérale vis-à-vis des institutions publiques, de haine sociale et ethnique, de consumérisme égoïste et d’ultraconservatisme religieux et moral ne manque pas de croyants et de pratiquants, ni de médias et de généreux sponsors pour le propager. Une Amérique dont les éléments les plus radicaux doivent se sentir pousser des ailes après leur «exploit» de mercredi, et dont les méfaits pourraient se multiplier ces prochains mois.

Garder du trumpisme l’image de clowns à barbe et à cornes paradant dans les travées du Congrès serait une grossière erreur. Malgré son radicalisme et ses excès incessants, Donald Trump a mobilisé en novembre dernier plus de 70 millions d’électeurs. Aujourd’hui, les idées de l’alt-right – la droite alternative, capable de dépasser les frontières habituelles du conservatisme – et de ses alliés libertariens imprègnent une bonne part de ce peuple trumpien. Il serait étonnant que le Parti républicain, même débarrassé de Donald Trump, délaisse bien longtemps un créneau populiste qui lui permet de s’adresser autant aux profiteurs qu’aux victimes de l’ultralibéralisme. D’autant que la crise sociale provoquée par la pandémie ne manquera pas d’attiser les braises du mécontentement.

Pour les démocrates, vainqueurs de justesse au Sénat et à la présidence, l’heure du choix a sonné. Si la volonté de concorde – et la perspective de s’assurer un électorat centriste effrayé par Donald Trump – empêche le futur gouvernement de Joe Biden de s’attaquer aux racines sociales et démocratiques de la crise, l’incendie reprendra, tôt ou tard.

Lire également notre éditorial «Le tournant du 6 janvier?» publié sur www.lecourrier.ch

Opinions Édito Benito Perez États-Unis

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