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«Trouver des solutions salariales et sociales pérennes»

Dans une lettre ouverte au Conseil d’Etat, Alexandra Vuichet s’inquiète du sort des indépendants, petits commerçants, artisans… pénalisés par le reconfinement sanitaire partiel décidé par les autorités cantonales.
Genève

Mesdames les Conseillères d’Etat, Messieurs les Conseillers d’Etat, Si je me rends compte du grand privilège de vivre en Suisse dans une démocratie qui ne parle pas par la voix d’un seul ou d’une seule président-e; si je me rends compte de la qualité de nos institutions et de nos soins; si je ne suis ni une coronasceptique, ni une anti-masque; si je suis consciente de la gravité de la situation sanitaire et totalement en accord avec le fait de se protéger et de protéger les autres; si je suis consciente de la saturation des services hospitaliers et des lits de soins intensifs; si je suis inquiète pour la santé du personnel soignant et de tout le personnel sur le front suite à leur surcharge de travail et leur épuisement; si j’ai admiré, depuis le début de la pandémie, le Conseil fédéral sur sa gestion de la crise et son courage; si j’ai été soulagée par l’annonce récente de notre Conseil Fédéral de ne pas reconfiner;

Je tiens à exprimer par cette lettre ma colère et mon désarroi face à la décision de «semi-reconfinement» du Conseil d’Etat de Genève de ce dimanche 1er novembre. En effet, lors du premier confinement, des milliers de petits indépendants, bouquinistes, puciers, intermittents et techniciens du spectacle, gérants de cinémas, cafés, bars, terrasses, petits magasins, coiffeurs, esthéticiennes, travailleurs sans statut légal et plein d’autres que je n’ai pas cité ont dû trouver les moyens de s’en sortir financièrement et psychologiquement. Beaucoup ne se sont pas relevés et d’autres savaient qu’ils ne pourraient se relever d’un deuxième confinement.

Les premières faillites et les licenciements sont arrivés avec leurs sources de désespoir. Tous ces travailleurs qui font vivre notre pays par leur diversité en travaillant d’arrache-pied depuis des années n’ont pas reçu un centime d’aide financière, soit parce qu’ils ne gagnaient pas assez, soit parce qu’ils n’étaient pas à jour dans leurs affaires administratives, soit parce qu’ils n’étaient tout simplement pas pris en compte. Et pour certains qui ont reçu si «gracieusement» les fameuses APG ou RHT, elles étaient très insuffisantes car elles ne reflétaient pas la réalité financière de leur entreprise. En conséquence, après votre décision de dimanche [1er novembre], j’en viens à me demander si vous avez pensé à l’agonie de ces milliers de petits indépendants qui vont se retrouver sans emploi, sans le sou, sans aide avec tout ce qui va avec: maladies, dépressions, phobies, violences, enfants et personnes à charge tributaires des finances et de la force morale de ces derniers.

J’en viens à me demander pourquoi vous n’avez pas réfléchi pendant les mois de déconfinement à la manière d’aborder une deuxième vague de manière «à vivre avec» ce virus pour lequel ni un vaccin, ni un traitement miracle ne changeront la donne des catastrophes sanitaires et sociales déjà engendrées par le Covid-19, sachant qu’après celle-ci et, comme avant, il y aura d’autres pandémies. Avez-vous imaginé le nombre de morts lentes engendrées avec cette mesure de «semi-reconfinement»? Après les queues de milliers de personnes à la patinoire des Vernets pour avoir juste de quoi manger, je présage que des dizaines de milliers de personnes, dans notre si riche et si beau pays, vont agoniser, suite à leur détresse financière et psychologique, d’isolement, de dépressions, de maladies non diagnostiquées et/ou non soignées, entraînant avec eux toute leur famille, enfants, grands-parents et personnes à charge.

En conséquence, je vous demande de créer de toute urgence une nouvelle task force avec un bureau d’aide sociale et psychologique dans chaque commune de ce canton afin de nous aider et de nous trouver des solutions salariales et sociales pérennes. Ceci afin de ne pas nous retrouver dans un pays et un monde où la paupérisation d’un très grand nombre de travailleurs, l’augmentation faramineuse des gains de certains autres, les injustices liées aux salariés qui ont reçu leur salaire sans travailler et d’autres qui ont travaillé deux fois plus sans aucun centime de plus, plongent notre pays dans de violents conflits sociaux. * Bouquiniste et brocante sur les marchés, avec zéro aide étatique. Ndlr: Les petits commerçants jugent insuffisantes les mesures annoncées le 11 novembre. Lire G. Kuhn, «Nouvelles aides à l’économie», Le Courrier du 12 novembre 2020.

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