Chroniques

Soins pédiatriques multidisciplinaires: qui paie?

À votre santé!

Quand on pense à un enfant malade, on imagine habituellement une otite, la grippe, une gastro-entérite ou une bronchite. Ou la fièvre des trois jours. Quel parent n’a pas entendu son pédiatre dire: «Ce n’est pas grave, c’est viral, ça va passer»? C’est vrai, heureusement. Les enfants souffrent la plupart du temps de maladies aiguës et souvent autolimitées, où le traitement est essentiellement symptomatique: on fait baisser la fièvre, on hydrate bien… et on rassure.

Pourtant, quelques patients pédiatriques souffrent de maladies chroniques ou de troubles neuro-développementaux qui nécessitent une prise en charge multidisciplinaire et un vrai travail en réseau. On comprend mieux aujourd’hui qu’il y a quinze ans combien un projet thérapeutique et pédagogique cohérent – qui signifie une réelle collaboration entre les soignants et les structures d’accueil ou l’école – aide à soutenir l’enfant dans son développement. C’est d’autant plus vrai que l’on cherche à faire une école inclusive, permettant ainsi à l’enfant de continuer à évoluer dans son milieu social «naturel» et évitant un placement en institution ou en classe «spéciale», ce qui était la règle avant. Mais il est tout aussi essentiel de construire le suivi avec la famille.

Dans ces situations, en tant que pédiatre, souvent coordinateur naturel des soins à l’enfant, nous avons souvent recours à un intervenant du domaine de la pédopsychiatrie. Or, il est de notoriété publique qu’il est difficile d’obtenir un rendez-vous chez un pédopsychiatre, tant il est vrai que les besoins ont explosé durant cette dernière décennie (il faudrait en analyser les causes, mais ce n’est pas le propos ici). C’est pourquoi les services d’un infirmier ou d’une infirmière spécialisé-e sont de plus en plus utilisés; ces professionnel-le-s ont l’avantage de se déplacer à domicile et/ou à l’école, permettant d’ajuster les recommandations thérapeutiques «sur le terrain», voire de s’assurer que celles-ci sont pertinentes et applicables. Ils et elles sont un relais essentiel pour les familles.

Quelques cabinets pédiatriques intègrent ce personnel qualifié dans leur pool, d’autres font appel à des infirmières et infirmiers libéraux. Ce modèle de prise en charge a fait ses preuves, et fonctionne à moindre coût, sachant qu’un infirmier ou une infirmière est au moins trois fois moins cher qu’un médecin. Ce sont des professionnel-le-s qui ont un droit de pratique reconnu par les cantons et qui travaillent sous mandat des médecins (comme les physiothérapeutes) et leurs prestations relèvent de la LAMal.

Tout irait bien si les assurances acceptaient de payer! Mais dans la pratique, on se rend compte que c’est plus compliqué, surtout depuis quelques années, et que la prise en charge financière est variable suivant les compagnies d’assurance. Je me souviens d’un enfant qui souffrait du trouble de la sphère autistique, reconnu par l’assurance-invalidité. L’AI a établi que la prestation relevait de l’assurance maladie, qui, elle, ne voulait pas payer, considérant qu’il s’agissait d’un travail éducatif (voire relevant du domaine de la prévention), en mettant ainsi en cause à la fois l’indication médicale posée par le pédiatre et l’approche thérapeutique de l’infirmière pourtant reconnue par l’Etat. Dès lors, que faire?

Dans la pratique, on propose aux parents de changer d’assurance. Parfois, on est obligé de renoncer aux services de l’infirmier/ière, ou alors ce sont les parents qui casquent! En termes d’équité dans l’accessibilité aux soins, c’est inacceptable. Bien sûr, la plupart des pédiatres essayent, par courriers répétés – facturés et remboursés! c’est absurde mais vrai –, d’expliquer la pertinence de cette prestation et d’en défendre l’économicité chère aux assurances.

Du point de vue de la santé publique, on défend sans cesse le travail en réseau afin de coordonner les approches de chacun et d’en dégager une prise en charge concertée et cohérente de l’enfant, on condamne le travail «en silo» où chaque thérapeute prend «sa» décision en fonction de «sa» vision, parfois même en méconnaissant l’intervention d’un autre professionnel, s’il ne la dénigre pas. Cependant, dans des cas comme celui donné en exemple, c’est l’organisme payeur – à savoir les assurances – qui s’immisce dans la discussion et réfute la pertinence des traitements.

On touche à l’absurde et aux limites du système d’assurance actuel (ça fait longtemps que je le pense!). Cela est d’autant moins justifiable quand on sait que les assurances maladies ont actuellement plus de 10 milliards de francs de réserve (deux fois plus que le minimum légal) et qu’elles ont l’indécence de nous imposer une augmentation des primes pour 2021, alors que nombreux sont celles et ceux qui ont vu leur revenu disponible baisser cette année conséquemment aux mesures sanitaires imposées par le Covid-19. Il y a de quoi enrager!

Notre chroniqueur est pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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