Chroniques

Israël, lanterne rouge dans la lutte contre l’épidémie

AU PIED DU MUR

«Nous sommes les meilleurs et les chefs d’Etat du monde entier me téléphonent pour savoir comment j’ai fait.» C’est ainsi que Benyamin Netanyahou se vantait tous les soirs à la télévision, lors de la première vague de Covid-19. Six mois plus tard, le «je» a fait place au «nous»: «Nous avons un problème», a déclaré à la mi-septembre le Premier ministre israélien, se tournant vers son ministre de la Santé et le coordinateur de la lutte contre l’épidémie, le Pr Gamzu. Netanyahou accuse notamment les citoyen-ne-s et leur absence de responsabilité. Comment en sommes-nous arrivés là?

Selon les agences sanitaires internationales, Israël est le pays avec le nombre de malades par habitants le plus élevé de tous les pays de l’OCDE. Un nouveau confinement national de trois semaines a débuté le 18 septembre dans le pays.1>Le Ministère israélien de la santé indiquait le 3 octobre 5063 nouveaux cas de coronavirus et 46 décès supplémentaires recensés au cours des dernières 24 heures, portant le bilan israélien à 1679 morts depuis le début de la pandémie, sur une population 9 millions d’habitants. Le système de santé publique de l’Etat hébreu est pourtant connu pour sa performance et ses excellentes capacités technologiques. Et personne ne met en doute le dévouement du personnel médical, qui ne lésine pas sur les heures supplémentaires et les gardes de vingt-quatre heures d’affilée, voire plus. En fait, la réponse n’est pas d’ordre sanitaire, mais politique – ou plutôt politicard.

Benyamin Netanyahou a deux objectifs stratégiques qui déterminent l’ensemble de ses décisions: conserver le pouvoir à n’importe quel prix et annuler son procès pour trois affaires de corruption aggravée. Un des moyens pour y réussir est de s’assurer la loyauté de ses alliés politiques – les partis religieux par exemple. A l’encontre des recommandations des responsables sanitaires, le gouvernement a autorisé les prières de masse pour le jeune du Kippour: dans une quinzaine de jours, on connaîtra le poids de cette décision criminelle dans l’extension de l’épidémie.

Au même moment, Amir Ohana, le sinistre ministre de la Sécurité intérieure, a tout fait pour interdire les mobilisations de rue2>Une loi permettant de restreindre les manifestations a été adoptée le 30 septembre par le parlement israélien. contre Netanyahou, sa corruption et son échec lamentable, en affirmant sans aucune preuve que c’était ces manifestations qui répandaient la maladie. Pour l’instant, les actions des opposants se poursuivent et se multiplient devant les résidences de la famille Netanyahou, et aussi sur les échangeurs des autoroutes, les ponts et des centaines d’autres sites à travers le pays, comme cela a encore été le cas le week-end dernier.

Business avant tout, le précédent déconfinement s’est fait beaucoup trop rapidement, sous la pression des lobbies dont Netanyahou dépend. Les recommandations du Pr Gamzu et son équipe ont été écartées ou mises en œuvre avec un retard dont on paie aujourd’hui le prix.

L’audition des témoins à charge – tous de l’ancienne garde rapprochée du Premier ministre – est pour bientôt, et on se demande ce que Netanyahou va encore inventer pour sauver sa peau. Tout est possible, y compris la déclaration de l’état d’urgence et la mise entre parenthèses du parlement, laissant à Netanyahou la possibilité de légiférer sur la base des lois d’urgence mises en place par les occupants britanniques en 1945 et jamais abolies.

Cadeau des fêtes du Nouvel An juif: un quotidien israélien a publié le procès-verbal de l’interrogatoire de Netanyahou par la police dans ses affaires de corruption. On y découvre un minable qui pleurniche et fait porter toute la responsabilité sur sa femme et son fils. On sait le pouvoir absolu de ces derniers sur le Premier ministre, mais l’aveu de ce dernier devant ses interrogateurs est indigne de la part d’une personne qui dirige le pays depuis plus de dix ans. Cet épisode a toutefois l’avantage de montrer à tous et à toutes que la force présumée de Netanyahou n’est que le reflet de la faiblesse de ses opposants.

Notes[+]

Notre chroniqueur est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

Opinions Chroniques Michel Warschawski

Chronique liée

AU PIED DU MUR

lundi 8 janvier 2018

Connexion