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Des votes qui en cachent un autre

L’IMPOLIGRAPHE

Des votes peuvent en cacher un autre: vous ne le saviez pas, mais on votait dimanche sur les budgets publics genevois (celui du canton, celui de la Ville, celui des autres grandes communes). Bon, d’accord, c’était pas formulé comme ça, mais c’est bien comme ça qu’on va s’autoriser à interpréter les résultats des votes cantonaux sur le salaire minimum, l’initiative «Zéro pertes» (clairement acceptée en Ville et dans les villes, si elle ne l’est que d’un souffle au plan cantonal) et les déductions fiscales pour frais de garde (refusées en Ville et dans les villes, si elles sont acceptées au plan cantonal).

Ils veulent dirent quoi, ces résultats, d’autant plus significatifs qu’ils résultent d’une participation majoritaire au vote? L’adoption d’un salaire minimum, l’adoption d’une initiative «anti-austérité», le refus franc et massif d’une initiative faisant des immigrants (et des frontaliers) les boucs émissaires de la crise forment quelque chose comme un front du refus des facilités politiques (et des budgets, cantonal et municipaux) qui les signifient. En acceptant d’instaurer un salaire minimum, les Genevois ont refusé d’admettre comme une fatalité que des dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs ne puissent couvrir leurs besoins par leur salaire. Or d’entre ces travailleuses et ces travailleurs, il y a ceux employés à certaines tâches que les collectivités publiques ont «externalisées», c’est-à-dire confiées à des sociétés privées, alors qu’elles devraient demeurer à l’Etat ou à la commune et être accomplies par leurs propres personnels. Le nettoyage des locaux et des lieux publics, par exemple…

Voter oui à l’initiative «Zéro pertes», comme les socialistes, les Verts, Ensemble à gauche et les syndicats y invitaient – avec succès –, et accepter, en temps de crise, d’augmenter un peu la pression fiscale directe comme le suggère l’initiative, cela procède après tout de la même démarche et de la même intention: réaffirmer les deux fonctions de l’impôt, celle qui finance les prestations à la population, celle qui réduit les inégalités sociales. Dimanche, à Genève, la gauche a gagné sur tous les objets soumis au vote cantonal et qui faisaient débat. Ce serait bien qu’elle fasse de cette victoire un peu plus que des communiqués autosatisfaits, non?

Dimanche soir, on a gagné sur presque tous les objets qui nous importaient. Mais on va en faire quoi, des ces victoires? Evidemment, s’interroger en ces termes, c’est une manière de se demander à quoi, à gauche, on sert. Non pas tant comme militantes et militants, mais comme organisations. Comme partis, comme syndicats, comme mouvements. C’est une bonne question, non? Parce qu’il doit bien y avoir une raison pour laquelle, toutes et tous autant que nous sommes, et toutes organisations confondues, nous incarnons aujourd’hui, aux yeux de bien des gens, ce dont nous sommes supposés vouloir le changement: le système politique tel qu’il est, le système économique dont on nous dit qu’il est le seul possible.

Mais bien sûr, nous assimiler à ces systèmes, c’est profondément injuste. Bien sûr.

* Conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève.

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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lundi 8 janvier 2018

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